La Route froide – Thibault Vermot & AlexW. Inker

Un jour, ils plaquent tout. Envoient allégrement balader leur place si convoitée dans une grande entreprise de la si désormais célèbre Silicon Valley. Vendre des frigos connectés pour des gens immensément riches, ça ne leur correspond plus. Et comme si cette décision n’était pas suffisamment radicale, voilà qu’ils abandonnent le soleil californien pour le Grand Nord. À la mécanique de leur quotidien bien huilée succède une vie dénuée du superflu. Au diable les téléphones, les nouvelles technologies: venir vivre ici se conçoit comme un véritable retour aux sources. Ici, on renaît sous la neige lourde et le froid saisissant.

Bon. C’était peut-être ça la danse dans ses jambes ce matin. Les filles.

Dans cette contrée où le climat rigoureux rythme la vie des gens, Jonah revoit ses (pré)occupations adolescentes… Titillé par la curiosité et l’attrait des grands espaces, il décide d’explorer les chemins alentours de ce nouveau domaine à conquérir. Mais l’excès de confiance se montre le pire compagnon de route… Ce que Jonah ignore, c’est que le Grand Nord ne se laisse pas apprivoiser si facilement par l’étranger fraîchement débarqué. Et quand les éléments conjuguent leurs efforts pour jouer les trouble-fête, une simple balade de santé peut s’avérer le plus dangereux des périples où la survie devient l’unique enjeu d’un funeste décompte.

Stegner leva les yeux au ciel. Il avait oublié ce que c’était que la jeunesse ; il avait oublié qu’ils demandent toujours «Pourquoi? »

Impossible de tourner ces pages sans sentir planer l’aura de Jack London. On entend au fil des pages le crissement sourd des pas dans la neige, le craquement des branchages gelés et les frissons nous envahissent quand la nuit tombe. Dans cette aventure en solitaire, le héros se retrouve confronté à une nature hostile et coriace et sa force d’esprit se révèle être son plus sûr allié. Les illustrations d’Alex W. Inker viennent ponctuer l’histoire d’illustrations qui viennent griffer le papier comme on gratterait des couches de glace. On regrette presque qu’elles soient si rares tant elle rendent compte de poids étouffant de la neige qui emprisonne ces êtres qui cherchent à la braver.

Dans un sifflement du vent, la Voix chuchota : de toute façon, il a déjà volé ton ombre. Tu n’as plus qu’à courir pour espérer lui échapper.

Le Jonah de Thibaut Vermot est le parfait descendant du protagoniste de Construire un feu (si magistralement illustré par Chabouté) Comment ne pas songer également au jeune Christopher McCandless d’Into the wild? En écrivant La Route froide, Vermot s’inscrit ainsi dans la lignée de ces auteurs dont les héros s’engagent dans un combat douloureux avec la nature. Il signe à son tour un récit dans lequel la solitude devient presque un personnage à part entière de l’histoire, pour ne pas dire le pire ennemi du protagoniste. Un texte qui aura à apprivoiser les lecteurs hostiles au manque de rebondissements et au rythme lent mais qui ravira les amateurs du genre.

Une lecture glaçante, une valse lente avec les flocons sans même apercevoir la redoutable tempête qui rôde.

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Pour prolonger cette lecture:

• Le Poids de la neige – Christian Guay Poliquin
  
• Le Garçon sauvage – Paulo Cognetti
• Into the wild – Jon Krakauer
• Construire un feu – London / Chabouté

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La Route froide – Thibault Vermot

Illustré par Alex W. Inker

Sarbacane

Octobre 2019

176 pages / 14,50€

ISBN: 9782377312764