Et mon coeur fait boum·Que jeunesse se fasse...

Thornhill- Pam Smy

Ella vient d’emménager. Les cartons se défont au fil des jours et elle s’approprie sa nouvelle maison avec la délicate minutie qu’on accepte d’offrir à une nouvelle vie. Souvent, son regard se perd au-delà du jardin, de l’autre côté de la barrière de fortune faite de barbelés et de planches. Vivre à côté de Thornhill – ancien orphelinat désaffecté pour demoiselles – a assurément de quoi éveiller la curiosité et l’imagination.

Elle m’a prise dans ses bras, a caressé mes cheveux poisseux et m’a dit que tout irait bien. Mais je sais que ça n’ira pas. Je sais que ça ne fait que commencer.

Mary est pensionnaire de Thornhill. Elle y passe des jours durs et sombres. Des jours durant lesquels sa gorge se serre, son souffle se coupe. Des nuits durant lesquelles son cœur bat à tout rompre au rythme des mains pleines de mauvaises intentions qui cognent inlassablement contre la porte. Harcelée, humiliée, elle n’a d’autre refuge que son amour des livres et son don pour la sculpture de petites figurines. Ses cris, ses peurs, ses angoisses sont alors soigneusement consignées durant ses nuits d’insomnies dans un journal intime, confident silencieux entre ces murs qui lui sont si hostiles.

Les signes extérieurs de ce qui m’est arrivé sont en train de s’effacer.

J’ai trouvé mon propre jardin secret.

L’histoire d’Ella se passera de mots. Ce seront les images qui se chargeront de raconter les jours de 2017. En revanche, c’est à travers le journal de Mary que nous découvrons ceux de 1982.  Deux solitudes qui se trouvent et s’apprivoisent. Deux existences que tant d’années séparent et qui vont inévitablement et dangereusement trouver leurs points de rencontre, d’ancrage et de chute.

Manoir digne du Manderley de Daphné du Maurier, corbeaux sortis tout droit d’un Hitchcock, un jardin laissé à l’abandon propice aux enchevêtrements végétaux qui masquent les souvenirs du passé: autant dire que les références ne manquent pas et que l’ambiance graphique donne immédiatement le ton. Même si le récit n’a rien d’extrêmement novateur ni de fondamentalement original, on se laisse totalement porter par la voix tourmentée d’une héroïne qui décortique à merveille le mécanisme insidieux du harcèlement et son emprise destructrice sur les êtres. Cinq cents pages qui se vivent comme une immersion entre deux mondes qui n’attendaient plus que de se rencontrer.

(Et ne pas oublier de dire aussi combien ce livre est plaisant à regarder. Dans ses pages illustrées, dans ses reliefs, dans la noirceur de sa couverture et de sa tranche charbonneuse. Un sacré travail éditorial pour un bel objet qui fera assurément son effet entre les mains des amoureux des livres…)

Je ne pleurerai pas à cause de ce qu’ils disent ou font. Jamais. Mais j’ai mal à l’intérieur. Peut-être que c’est comme ça d’avoir le cœur brisé.

Thornhill- Pam Smy

Traduit par Julia Kerninon

Éditions Le Rouergue Jeunesse

19€90 / 544 pages

ISBN: 978-2-8126-1528-3

9 Octobre 2019

Autre récit illustré de saison : Quelques minutes après minuit – Patrick Ness

Autre roman, autre atmosphère pour entretenir le goût des frissons: Le passage du diable – Anne Fine

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