Ô monde, tu glisses, danses, frappes, siffles, scintilles, éblouis… Et je me crois bien le seul à voir ta beauté. Car les autres, tous les autres passent leur vie à courir.
Penss n’a d’autre envie de que de contempler le monde. S’asseoir et plonger son regard là où l’horizon est encore une promesse. Mais les temps sont durs et si les clans des hommes nourrissent l’illusion du sentiment d’appartenance à un groupe, ils peinent à accepter que leurs ouailles entretiennent leurs douces rêveries solitaires. Penss est alors regardé d’un mauvais œil. Son côté lunaire éveille la méfiance dans ce monde où les hommes doivent asseoir leur autorité par la force et assurer avec fierté des missions de chasse pour la communauté. Face à cette pression du groupe, Penss n’a d’autre voie à suivre que celle de l’exil. Très vite, la faim vient ronger son corps et cette dévoration sera le plus grand de ses traumatismes. Le monde lui semble cruellement hostile et sa survie sera vécue comme un combat d’une violence innommable. Un événement fondateur, de ceux qui forgent les plus grands héros.
Je sais que ma vie vient de bifurquer sans retour possible.
Dans ses errances, une terre semble pourtant le retenir. Une terre garante d’une possible renaissance qui l’incite à rester, à s’enraciner pour fonder un monde qui épouserait ses aspirations profondes. Penss s’approprie alors, dans une communion avec la nature, ce qu’il appelle les plis du monde: rivières sinueuses, feuilles pliées qui sommeillent dans les bourgeons, cocon terreux qui abrite en lui le minuscule et les hommes endormis, branches entrelacées des forêts, chevelure ténébreuse d’une femme que ses bras rassurants sauront apaiser…
Dans cette fable philosophique, Penss est un démiurge aux mains noircies de terre, au dos courbé, à l’esprit sans cesse en ébullition. Quand les tribus s’affairent pour chasser la chair animale, Penss dévore les fruits pour mieux en extraire les graines, ensemence les sols, maudit ou chérit le cycle des saisons, offre la douceur de ses épaules au désespoir, recrée de rien le lien entre les hommes, insuffle la sagesse des renoncements ou l’espoir des nouveaux départs.
Je vis, ça ne suffit pas. Tes charmes ne prennent plus. Maintenant, je sais ta cruauté. Je saurai vivre mieux. Je saurai vivre fort. Pour ça, j’arracherai tes plus grands secrets.
Penss et les plis du monde est le récit de l’émergence d’un chef, d’un retour à la terre, d’une communion fraternelle. Un nouvel album imprégné d’une mythologie qui laisse une place de choix à la grandeur des Hommes. Jérémie Moreau confirme ainsi sa capacité à mener brillamment un récit qui ne manque ni de relief ni de sinuosités, façonnant ses héros pour les confronter à la violence et à la beauté du monde. Au fil des pages , ils flirtent avec les hauteurs, s’engouffrent dans les tréfonds terreux des entrailles de la terre, gravissent les montagnes qui surplombent les vallées.
Toi le monde, toi qui permets ça. Tu me le paieras.
Graphiquement, l’on appréciera l’audacieuse fusion du trait vif et sec de la plume et de l’aquarelle qui se fond dans les cases saisissantes faites de paysages toujours à couper le souffle (Le parfait prolongement d’une empreinte graphique déjà éprouvée dans l’excellent La Saga de Grimr.) Un album intelligent et brillant qui vient ajouter un nouveau visage au singulier destin à la liste fascinante des protagonistes qui surgissent des planches de cet auteur qui ne cesse de me surprendre et qui force l’admiration.
Une vie, ça ne disparaît jamais. Le monde en garde toujours la trace. Toi, tu vois des plis. Voilà mon monde à moi. Un grand orage de vies.
- Jérémie Moreau au milieu des livres: Le Singe de Hartlepool / Tempête au haras / Max Winson / La Saga de Grimr.
Penss et les plis du monde – Jérémie Moreau
Éditions Delcourt
Collection Mirage
ISBN : 978-2-413-01351-8
25,95€ / 230 pages
25 septembre 2019

Pas trop tentée. Mais je lis si peu de BD.
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Il me rappelle un peu Grimr ce héros, j’aime…! Et puis le thème de l’exil et de l’errance… je ne peux que succomber !
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Ce n’est pas trop mon genre de dessins…
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Je les aimerai pour tous ceux qui n’aiment pas.
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je suis fan de la couv’ en tout cas, je note le titre !
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Je suis un peu partagée… Le thème ne m’emballe pas vraiment mais les illustrations si…
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J’avais été fascinée par La saga de Grimr! alors ce nouvel opus me tente 🙂
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On dirait que tu es fan non? 🙂
J’avais adoré son « singe » mais je n’ai lu que cette bd de lui… une erreur à réparer il me semble!
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J’ai toujours Grimr à lire, sans oublier Max Winson que tu m’avais offert… La honte !
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J’avais tellement aimé Grimr, j’ai hâte de découvrir ce titre-ci !
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Même impatience ici ! Que cette lecture soit belle !
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Il faudrait que je teste ! Je ne suis pas persuadée d’apprécier mais le sujet me tente.
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J’avais été agréablement surprise par la saga de Grimr, donc pourquoi ne pas mettre ce titre sur la liste de Noël ??
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Il me fait plus envie que Grimr, alors à tenter.
(je ne te dis pas ce que mon cerveau lit à chaque fois qu’il voit cette BD…) (j’aurais presque honte…)
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Le dessin de Jérémie Moreau et moi, ce n’était pas gagné d’avance… Mais c’est un fabuleux conteur et si je n’aime toujours pas trop sa façon de dessiner les personnages, j’adore sa vision de la nature ! J’ai adoré Penss !
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