Grandir à toute vitesse et sortir de là. Je ne sais pas par où commencer. Je m’égare, je rature, je réduis, je construis, je compresse, je colle, je rêve éveillée, je crache sur l’injonction « Soyez heureux ». Seule la nuit je suis honnête.
Elle étouffe en secret. Là bien au creux du ventre, là dans sa tête aux pensées qui bouillonnent. En apparence, son petit monde ronronne dans cette famille aux valeurs traditionnelles. Elle est mère, elle est épouse, elle est l’enfant qui n’a pas tout réglé avec son passé. Mais sa prison dorée ne brille plus depuis longtemps. Dans ce monde où la femme se doit de rester l’épouse discrète et sage, Antonia dénote, en silence, consciente de ne plus vraiment entrer dans ce carcan-là. Le cœur sec, elle vivote auprès d’un mari sans panache qui incarne la figure familiale masculine qu’on ne saurait remettre en cause. Se taire, s’éteindre au milieu des siens. Écrire, se livrer, s’échapper, sur les pages d’un journal. Un horizon offrant peu d’échappées qu’un récit fragmentaire pourrait faire trembler, offrant à celle qui prend sa vie en main la possibilité d’un ailleurs neuf et salvateur.
Je rate des occasions d’aimer mon fils.
Gabriella Zalapi rédige ce premier roman en lui donnant l’allure d’un journal intime. Celui d’une femme qui consigne ses questionnements et ses doutes à une époque où bien des révolutions n’ont pas eu lieu, où bien des espoirs d’évolution sont en germe. Un très bref récit d’émancipation d’une grande justesse qui se voit ponctué de photographies en noir et blanc, comme autant de fenêtres ouvertes sur le passé de ses aïeux, venant ainsi éclairer son histoire familiale. Femme libre avant l’heure, Antonia fait partie de ces héroïnes qui se jouent des destins tout tracés, des existences mornes et de l’amour blême. Les mots ainsi formulés, entre pudeur et violente prise de conscience, symboliseront alors la parole qui libère, la liberté qui s’acquiert, au-delà des conventions sociales d’un milieu qu’il faut fuir avant qu’il ne vous dévore.
Les autres confinent le monde à coups de talons. À coups de poignées de mains. À coups d’enjambées confiantes. À coups de sourires efficaces. Moi, j’hésite, je danse d’un pied à l’autre, sans m’arrêter. Je doute, confuse, incapable de donner des explications claires, des réponses rationnelles.
Antonia – Journal 1965 -1966 – Gabriella Zalapi
112 pages / 14€
Janvier 2019
ISBN: 978-2-88927-619-6
Grand Prix de l’héroïne 2019 « Madame Figaro »
Qu’est-ce que je l’aimerais celui-là !
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Un genre littéraire que j’aime beaucoup… Merci pour la découverte!
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Pas un vrai journal, alors. Mais je le note tout de même, le sujet me tente.
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pourquoi pas, pourquoi pas…
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Tu en parles vraiment bien, cela donne envie de s’y plonger.
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Sans doute trop intime et trop psychologique pour moi. Je préfère m’abstenir si tu n’y vois pas d’inconvénient^^
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Merci pour cette découverte ! Je ne connais absolument pas mais je note car ce que tu en dis (très bien) et les extraits donnent envie de le découvrir.
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Un énorme merci pour cette découverte : je l’ai croisé à la bibliothèque, l’ai lu, l’ai fait lire à mon compagnon et vais en parler beaucoup autour de moi !
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Un énorme merci pour cette découverte : je l’ai croisé à la bibliothèque, l’ai lu, l’ai fait lire à mon compagnon et vais en parler beaucoup autour de moi !
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Oh mais j’adore ce genre de retour bien après la publication d’une chronique ! Je suis ravie qu’il fasse son chemin aussi grâce à toi…
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s’égarer, rature, se trouver…
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