L'Art du Roman·On s'poile.

Le Discours – Fabrice Caro (Fabcaro)

L’année de mes trente ans, j’ai sombré dans une profonde dépression. Un chagrin d’amour, un de plus.

La table est dressée et le dîner peut commencer. Adrien s’installe pour jouer le jeu des obligations familiales et s’asseoir à cette table revient à refermer sur lui une curieuse cage dorée. Parce qu’au fond de sa poche, il a le portable triste. Un message, un détail de rien du tout – qui pour lui veut dire beaucoup – envoyé à Sonia, l’ex qui l’a expéditivement quitté quelques semaines auparavant. Sauf que ce message – bouteille à la mer qui appelle une réponse – reste lettre morte. Alors l’imagination s’emballe, les obsessions surgissent, les questionnements les plus improbables sont envisagés. Et ce bisous ridiculement ponctué n’arrange rien. Et pour couronner le tout –  ironie du sort mon amour – voilà que  surgit cette question, insidieusement glissée entre deux verres de vin: et s’il était LA personne que sa sœur avait choisie pour prononcer son discours de mariage?

Un point final dans toute sa splendeur, au sommet de son art, qui conclut dignement une merveilleuse histoire d’amour et part sans se retourner, princier, un point serein, mesuré, au flegme britannique, un point qui n’attend rien en retour, que le bonheur de l’autre, mais qui le laisse en réalité dans un vide abyssal. Derrière un point final, on n’a qu’une seule envie, c’est que rien ne finisse.

Fabrice Caro me plaît. Définitivement. J’ai rarement autant ri en lisant que lorsqu’il me parlait du couple dans l’excellentissime Et si l’Amour c’était d’aimer. Il troque ici ses bulles pour le roman et il serait naturellement tentant de vouloir comparer, de vouloir retrouver les éclats de rire qui ont fait de cette lecture une parenthèse jubilatoire. Mais l’on ne fait assurément pas appel aux mêmes ressorts, aux mêmes rouages quand on s’attaque au genre romanesque. Difficile d’être aussi percutant, drôle et efficace tout le temps. Sans répit. Mais… C’est sans compter sur son sens accru de l’autodérision, sa manière unique de livrer l’amertume enrobée de drôlerie, de cynisme et de sarcasmes. On rit. Parce qu’on se retrouve parfois et l’on admet combien le ridicule vu sous sa plume s’invite insolemment dans les rapports humains. On rit. Parce qu’on aime follement ce ton faussement léger, détaché, sa sensibilité d’entre les lignes, ses surenchères névrotiques. On rit. Oui, on rit jaune, aux éclats, on se contente d’un sourire pincé, parfois. Parce que l’on cherche, en bons écorchés en mal de l’autre, à suivre les préceptes desprogiens: quitte à faire avec, faisons-le en riant…

Les autres sont incompétents en matière de chagrin d’amour.

Un roman à lire en sirotant un jus d’orange et en grignotant une tarte aux quetsches.

Le Discours – Fabrice Caro

(Aka Fabcaro pour les bulleurs)

Gallimard – Sygne

ISBN: 9782072818494 

16 € / 208 pages

Octobre 2018

 

33 réflexions au sujet de « Le Discours – Fabrice Caro (Fabcaro) »

  1. Ne lisant pas de BD, je ne connais pas cet auteur, et j’avoue qu’au départ je n’étais pas vraiment tentée… mais je suis tombée sur un exemplaire d’occasion de ce titre en bouquinerie, et fini par succomber.. J’ai bien fait, visiblement !

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  2. Pas encore lu, mais ça va venir !! J’adore Fabcaro, il me fait vraiment rire… Ma bd favorite ? « Moins qu’hier, plus que demain » ! Le mec dans son lit qui fait un déni total, ça me fait hurler de rire !! Même si au fond, c’est un plutôt triste.

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