BD de la semaine·Et mon coeur fait boum

Petite maman – Halim Mahmoudi

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Les émotions sont les plus douloureuses des épreuves.

Petite. Elle arrive un peu trop tôt dans la vie de sa mère qui n’est pas vraiment tout à fait grande. Petite. Elle grandit un peu trop vite dans une vie qui la bousculera avant qu’elle cherche à échapper à ses bourreaux. D’abord le réceptacle d’une mère débordée, inconsciente et défaillante, elle devient une petite maman pour prendre soin d’une femme qui se montre incapable de jouer son rôle de mère auprès d’elle. Lors des jours heureux, elle aime pourtant le sourire de celle qui sait aussi être douce, elle savoure la tendresse éphémère qui rassure. Mais ces jours-là se font trop rares et son monde bascule quand un homme peu recommandable commence à prendre de la place dans leur équilibre précaire.

Ma mère m’a appris que la vérité n’était pas bonne à dire, ni à entendre.

Alors la violence s’invite. Elle s’immisce dans un crescendo infernal. Les mots. Les cris. Les secousses. Les gestes. Les éclats de voix et de mains. Une surenchère qui ne lésine sur aucun moyen, une violence qui n’hésite pas à exploiter toute la palette de l’humiliation. Et pour masquer naïvement tout cela, Brenda colle des petits tatouages pour que les bleus se parent d’oubli. Mais à travers son regard d’enfant, le monde des adultes se dévoile dans son infinie noirceur.

Il y a de quoi se méprendre face à la douceur qui émane de cette couverture… Le pastel, les petites touches de jaune et de blanc qui offrent ce qu’il faut de lumière et de doux. Les planches qu’elle renferme sont d’un tout autre ton et le noir et blanc parfois atténués par ce gris bleuté deviennent saisissants. Nous nous retrouvons à tourner les pages, perdus et secoués face à la cruauté et la lâcheté. Tantôt pleins de rage, tantôt seuls face à notre désarroi. Et l’on se gorge d’une émotion qui oscille entre l’indignation, la révolte et l’incompréhension. C’est aussi, une histoire qui, au-delà des questions liées à la parentalité, interroge – et égratigne – avec autant d’impuissance que de colère, l’absurdité odieuse d’un système juridique frileux, embourbé dans ses aveuglements administratifs, politiques et législatifs.

Il en faut de l’audace pour mettre le lecteur face à une telle histoire et de cette manière-là. Le dessin d’Halim sait orienter le trait, doser les courbes et moduler les bulles pour lui faire dire la douleur. Quand la violence grandit, quand la colère éclate, la planche quitte progressivement son découpage traditionnel pour traduire, à sa manière, le chaos qui submerge le personnage. La case se brise, se distend, se fragmente. Et face à ce malaise des images – nécessaires et indispensables – nos visages se froncent et nos gorges se nouent. Inévitablement. Nous refermons ce livre, sonnés, KO, conscients que cette sombre fiction est aussi et surtout le quotidien et la réalité de bien des enfances dévastées.

Une lecture m’a rappelé le terrible album Inès de Loïc Dauvillier et Jérome d’Aviau.

Petite maman – Halim

Éditions Dargaud

ISBN: 9782505067108

19€99 / 192 pages

Septembre 2017

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Chez Noukette

33 réflexions au sujet de « Petite maman – Halim Mahmoudi »

    1. Quand elle m’a été fortement conseillée sur le stand Dargaud, je n’ai plus hésité une seconde. Cela a vraiment fait écho à une lecture très forte que j’avais faite il y a quelques années. C’est évident que le thème peut vite jeter un froid, créer un malaise et faire naître une vraie réserve chez le lecteur. Mais il FAUT lire cet album. (Et je ne savais pas pour le prix.)

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