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La Tresse ou le voyage de Lalita – Laëtitia Colombani et Clémence Pollet

Cela commence par un geste simple, anodin. Un instant partagé avec une mère aimante et attentionnée. Les cheveux sont pourtant tressés avec un soin particulier ce matin-là.  Ce geste mécanique est  porteur de bien des espoirs: après un accord tacite – appuyé par une boite remplie d’espèces sonnantes et trébuchantes – avec le brahmane du village, la jeune Lalita pourra rejoindre les bancs de l’école. Et ce, malgré son appartenance à la caste de paria à laquelle elle appartient. Bien qu’Intouchable, elle pourra accéder aux savoirs, à l’instruction qui peut-être la conduiront au-delà d’une condition que sa mère refuse pour elle.

Smita voudrait lui dire: réjouis-toi, tu seras en bonne santé, tu vivras mieux et plus longtemps que moi. Mais elle ne sait comment s’exprimer, comment lui confier ses rêves, ses espoirs un peu fous. Alors, elle désigne l’école et dit simplement: Va.

Aussi fière qu’apeurée, son premier jour se solde par la plus triste des déconvenues. Dans une société où chacun doit rester à sa place, difficile de bousculer les coutumes ancestrales qui n’ont que faire de la discrimination et des espoirs grisants. Si Lalita foule le plancher de l’école, ce ne sera pas pour y apprendre quoi que ce soit.

Dans un élan de rage de d’amour maternel, une décision radicale s’impose: la mère et sa fille quitteront le village pour rejoindre l’autre bout du pays, là où la mer frôle le rivage et où l’éducation s’offre à ceux à qui on la refuse. L’enjeu est crucial, le choix de rester ayant l’amer goût de la condamnation: il est temps de partir et de faire mentir les traditions qui enferment dans un carcan d’ignorance et de soumission.

Quel lecteur aurait raté sur les étagères des libraires le succès considérable de ce roman à la couverture jaune et noire? Je fais pourtant partie de celles qui n’ont pas cédé à l’appel de ce titre que l’on voyait absolument partout et j’ai donc tourné les pages de cet album sans avoir lu la moindre page du roman dont il est l’adaptation. (C’est assurément là l’effet du trop-vu-pas-lu…)

Mère et fille se ressemblent plus que jamais…

C’est donc avec un regard neuf et sans écho littéraire que j’ai pu tourner les pages de cet album qui vous plonge au cœur de l’Inde. Le dessin de Clémence Pollet nous enrobe ainsi de couleurs vives, de tissus chatoyants et de paysages éclatants. S’il pose un regard un peu aseptisé sur ce monde sans pitié des laissés-pour-compte, il transporte de manière efficace et immédiate le lecteur dans cet ailleurs méconnu, en réalité bien plus terne et sombre qu’il ne l’est représenté dans l’imaginaire collectif.

L’épisode évoqué est celui d’un combat maternel pour qu’une enfant accède à l’éducation et c’est à travers lui qui le lecteur découvre un pays et ses cultes, un peuple et croyances, une société et ses chaînes. Qu’elles soient sociales ou morales, les interdictions lient les Hommes à leur condition en leur laissant peu d’espoir d’une vie meilleure. Ce duo mère-fille refuse cela et leur départ résonne comme un premier pas vers leur précieuse émancipation. Le pari est fou, mais l’enjeu est trop important pour confier leur destin à de sombres petits trop puissants.

Un album au ton juste – porté par une figure maternelle d’une dignité et d’une force d’esprit exemplaires – qui laisse entendre qu’il est de nobles luttes qui ne tolèrent pas la désillusion. A bon entendeur…

Une lecture pour ma semaine Montreuil is coming ! En espérant croiser quelques-uns d’entre vous dans les allées du Salon du livre et de la Presse Jeunesse !

La Tresse ou le voyage de Lalita – Laëtitia Colombani & Clémence Pollet
Adaptation du roman La Tresse de Laëtitia Colombani
14 novembre 2018
48 p /14.90 €
ISBN : 9782246816300

15 réflexions au sujet de « La Tresse ou le voyage de Lalita – Laëtitia Colombani et Clémence Pollet »

  1. Oui, un très bel album ! J’avais beaucoup aimé la lecture du roman de Laetitia Colombani (que je te conseille puisque le destin de Lalita ne correspond qu’à une partie de celui-ci).
    L’autrice et l’illustratrice seront présentes pendant le salon du livre de Montreuil 😉

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    1. J’avoue que j’étais moins attirée par le roman que j’ai un peu trop vu… J’imagine qu’à travers cet album, les autrices n’abordent qu’une partie de l’histoire. J’aime en tout cas ce que j’ai entrevu, et je finirai peut-être par le lire quand ma PAL sera moins grande…
      Je serai dans les allées du salon samedi et je ne manquerai pas de passer saluer la Team Grasset dont j’adore le travail !

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  2. Comme toi, je n’ai pas lu le roman ( trop d’exposition, pas très tentée aussi). Pourtant l’adaptation en album aurait de quoi m’intéresser même si ce n’est qu’un seul destin qui y est raconté.
    Je t’envie un peu de pouvoir fouler les allées de Montreuil 😀 . Ramène de belles petites!

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  3. J’ai lu le roman au printemps je crois, j’attendais justement de ne plus trop le voir partout…et j’ai été relativement déçue par certains aspects, dont la qualité littéraire. Dans le roman, le récit de Lalita si je me souviens bien s’arrête […] C’est le cas là aussi?

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    1. Je me suis permis de supprimer une partie de ton commentaire […] pour éviter de spoiler ceux qui n’auraient pas lu le roman.
      Je réponds toutefois à ta question par l’affirmative, bien qu’on y ajoute une page ou deux après le temple.
      Concernant les qualités littéraires, j’avais lu pas mal d’avis réservés au sujet du roman, et ton avis me conforte dans mon hésitation.

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      1. oui tu as bien fait, j’y ai pensé en l’écrivant, et je me suis dit que tu pourrais toujours supprimer le com.
        je crois que je m’en tiendrai à la lecture du roman. 🙂 bonne semaine

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