Tribune artistique.·Vous avez dit culture ?

Egon Schiele en prison – Arthur Roessler

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Ô Art tout-puissant – que ne serais-je capable d’endurer pour toi !

Le 13 avril 1912, Egon Schiele est conduit en prison. Après une visite des services de police dans sa propriété de Neulengbach, ce dernier est alors incarcéré en attendant que la situation soit éclaircie lors du jugement. L’histoire se résume rapidement: un père de bonne famille n’a pas supporté de voir sa plus jeune fille s’enfuir et trouver refuge chez le peintre avant de quitter l’Autriche. Persuadé de sa mauvaise influence sur elle, il contre-attaque en l’accusant de pervertir la jeunesse.

Il faut dire que la maison de Schiele accueille bien des corps dénudés puisqu’il laisse la porte de son atelier ouverte à qui veut vient se dévêtir pour poser quelques heures pour ce génie dont on ne cesse de vanter le trait si singulier.

Den Künstler hemmen ist ein verbrechen, es heisst keimendes Leben Morden

Alors pourquoi? Je ne suis pas un malfaiteur ! Je n’ai pas violé, assassiné, incendié; et si j’ai pêché contre la très-délicate « société » des hommes, c’est uniquement parce que j’existe.

Ce livre est un journal qui nous fait vivre les jours tristes et pesants d’un homme plongé au coeur de l’univers carcéral. Jour après jour, le je enfermé s’exprime et livre son mal-être et son indignation en évoquant son amour de l’art et souligne à chaque page combien peindre est absolument vital pour lui. Il clarifie les motifs de sa détention et nous éclaire un peu plus sur la dimension érotique et sensuelle de ses œuvres et sur le regard qu’il porte sur les corps.

Je ne l’ai jamais caché: j’ai fait des dessins et des aquarelles qui sont érotiques. Mais ce sont toujours des œuvres d’art.

Die Tür in das Offene

Qui désavoue le sexe est une ordure qui souille de la plus vile façon ses propres parents qui l’ont engendré.

Ce texte n’est toutefois pas signé de la main d’Egon Schiele, comme l’expliquent les quelques éclairantes pages finales signées par le traducteur de l’ouvrage Claude RiehlArthur Roessler, proche du peintre, a en réalité rassemblé cinq de ses dessins réalisés en prison et quelques notes pour faire de ces fragments un récit qui prend la forme d’un journal. Le tour de force est de donner l’impression – tout en insufflant à l’œuvre un certain lyrisme – qu’il s’agit du véritable journal d’Egon Schiele.

Arthur Roessler n’hésite pas au passage à glisser quelques mots sur le lien qui l’unit à Schiele sous forme de belle déclaration d’amitié. Une autocélébration qui tend à faire sourire quand on le sait auteur de ce faux journal.

Il n’en demeure pas moins que ces pages passionnantes nous livrent quelques facettes de la vie d’Egon Schiele, venant lever un peu le voile mystérieux qui plane autour de ce peintre à la réputation sulfureuse.

Il serait bon de coffrer un jour tous les députés, comme ça, ni vu ni connu, afin que ces législateurs sans cervelle sentent dans leur propre chair – puisque l’âme leur fait aussi défaut – ce que signifie : être prisonnier.

Une lecture de circonstance qui me mène agréablement vers l’exposition consacrée à Egon Schiele à la Fondation Louis Vuitton. L’occasion de mettre également en avant, avec cette lecture, une discrète maison d’édition qui me plaît beaucoup.

Egon Schiele en prison

Notes et dessins publiés par Arthur Roessler

Traduction de Claude Riehl

La Fosse aux ours –  2000

61 p – 12 €

ISBN: 2 – 912042-28-3

Art & Littérature

18 réflexions au sujet de « Egon Schiele en prison – Arthur Roessler »

  1. Ça me plairait bien, j’adore le peintre mais je me rends compte que je ne connais pas du tout sa vie!

    Ma peinture préférée est une œuvre de Shiele, c’est celle avec la femme et le top vert et le genou replié ( je ne connais pas le titre) .

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      1. Le nom de cette oeuvre est tout simple : Femme assise au genou pliée 🙂

        Je comprends pourquoi tu aimes cette oeuvre en plus c’est devenu un grand classique et de nombreux photographes font des clins d’oeil à cette oeuvre comme Julianne Moore. C’est un tableau plutôt simple au niveau de la composition par rapport à de nombreux tableaux d’Egon Schiele mais je trouve que c’est un des plus expressifs. Si tu veux plus de détails dessus tu peux visiter ce lien :https://fr.wahooart.com/@@/6WHKL9-Femme-assise-avec-Bent-genou

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  2. Je ne connaissais pas ce texte. Mais je garde un souvenir très vif de tous ces tableaux de Schiele admirés lors d’un voyage à Vienne. L’expo de la fondation Vuitton est bien entendu sur mon agenda.

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