L'Art du Roman

Cosme – Guillaume Meurice

Disons que, parfois, les fous font trembler les rois.

Cosme a dans le sang le tempérament de ses parents espagnols. S’il sait d’où il vient,  les frontières de l’endroit où il va restent aussi mouvantes qu’incertaines. Cosme grandit, fréquente les petites frappes, côtoie et égratigne les grandes ordures médiocres grisées par les petits pouvoirs. Il erre, apprend, étonne, épate. Son humour et son esprit parfois provocateurs ne laissent pas indifférent. Il multiplie ainsi les vies avec en posant sur l’autre un regard tantôt amusé, tantôt acéré. Enfoui en lui, un amour inconditionnel du verbe et de la poésie pour cet homme féru de logique, curieux des mots, des gens et des choses.

Juste le temps nécessaire pour qu’il garde en mémoire le souvenir de la violence sociale, de l’exclusion, et la conviction farouche que la différence, ça s’apprend. La peur, ça s’apprivoise. L’estime de soi, ça se domine.

Cosme se construit au fil de ses rencontres et au gré de ses expériences: ouvrier, vigile, décrypteur dans l’armée… A chaque vie son lot de surprises et de déconvenues pour cet homme qu’on ne saurait faire entrer dans une case. Des sonnets scindent ce récit divisé en chapitre-voyelle (Y inclus), ces lettres si mystérieuses immortalisées par le génie rimbaldien. Signés Cosme Olvera, ils ponctuent par un souffle poétique puissant chaque tranche de vie du héros. Et si au bout de ce parcours se trouvait la/une clé de lecture d’un des poèmes les plus commentés et les plus hermétiques de la langue française?

Il écrit. De plus en plus. Passionnément. Des cahiers entiers. Des pleins sacs. Des textes jetés comme on crache, comme on éructe, comme on vomit, comme on jouit. Face à la feuille vierge, les mots jaillissent comme la lave sous pression d’un volcan en éveil. Enfiévrés. Brûlants.

Malgré le sous-titre « roman », il faut savoir que Cosme n’a pourtant rien d’un être de papier. Il est un homme croisé un peu par hasard, qui, au fil des conversations avec Guillaume Meurice va se retrouver le héros d’un récit-(en)quête. Cosme se révèle être un homme atypique, un poète singulier, mouvant, émouvant. Son amour de la littérature fait de lui un personnage à la croisée des parentés littéraires entre Martin Eden (attention, on y dévoile la fin du roman!) et un de ces clochards célestes qu’admire tant Thomas Vinau. Sous la délicieuse plume de Guillaume Meurice, l’on retrouve parfois un mordant discret, une ironie latente (qu’il a assurément dû contenir mais que l’on sent malgré tout poindre ici et là.) Il signe ainsi un très beau récit sur un homme qui refuse de se louer trop longtemps à un patron, riche de ses errances et de son temps libre qui cherche à percer un mystère littéraire qui n’intéresse plus que quelques éminents spécialistes du poète. Il fallait oser. Et malgré la lettre finale un poil obscure mais particulièrement pointue et captivante dans l’analyse de sa « révélation » – ndlr: dans le chapitre Y, Cosme adresse une lettre à Arthur Rimbaud – la clé qu’il livre est passionnante.

Un livre parfait compagnon de pérégrinations.

CosmeGuillaume Meurice

Flammarion

ISBN: 9782081425620

19€90 / 336 p

 

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