BD de la semaine·Neuvième art·Tribune artistique.

La Fleur dans l’atelier de Mondrian – Peyraud & Lapone

Tout en elle me manque. Son parfum, son énergie, ses façades, ses rues, ses échafaudages.

Pincée du bout des doigts de Mondrian, la fleur blanche paraît presque fière dans la main de l’artiste. Posée sur une table dans son atelier, elle trône mystérieuse, au milieu de ses œuvres. Sans odeur, sans vie, ce végétal artificiel a pourtant une histoire singulière que les planches et les bulles révèleront case après case…

Peu d’êtres et de passions animent le coeur et l’esprit de l’artiste hollandais Pieter Mondriaan. Seuls la danse et l’Art trouvent grâce à ses yeux et sa froideur austère en déstabilise plus d’un(e). Mais un soir, sous le tissu rouge, une peau douce et blanche va attirer son attention et réveiller la sensibilité enfouie. Francine, danse le samedi et – quand elle ne s’enveloppe pas dans des draps froissés contre quelques pièces – fait tourner les têtes et les corps lors de soirées endiablées. Elle qui danse comme elle respire l’entraîne alors dans une prestation tourbillonnante et époustouflante. L’homme si renfermé n’en croit pas ses yeux et se laisse griser par cet instant hors du temps.

Mais s’éprendre de Mondrian est un risque à prendre. L’homme torturé peine à s’ouvrir et semble dépassé à l’idée même d’éprouver le moindre sentiment amoureux. Francine tentera à bien des égards de cerner cet homme plein de mystère. Une sale grippe le cloue  au lit et l’éloigne de sa partenaire qui cherche à tout prix à le retrouver. L’occasion pour elle de s’occuper de cet homme qui l’intrigue et l’attire, ce qui ne sera pas sans se heurter à la froideur de l’artiste dont elle découvre un jour l’atelier. Dans ce lieu sacré, un festival géométrique l’attend. Du rouge, du noir, du jaune, du bleu. Des carrés, des rectangles qui surgissent sur les toiles d’une blancheur éclatante. Voilà un homme qui expérimente et crée pour offrir à la peinture une approche épurée de l’Art, délaissant les courbes, refusant fioritures et excès pour une autre forme d’extravagance répondant au nom de néo-plasticisme. Si elle ne saisit pas toute la portée de cet art novateur, elle n’en est pas moins fascinée par l’homme qui signe ces toiles étonnantes.

Je suis à un âge où l’on n’attend pas de l’amour la même chose qu’une jeune fille.

Cet album grand format est une belle tranche de vie fantasmée. En inventant cette intrigue amoureuse, Peyraud et Lapone nous entraînent dans l’effervescence du Paris des années 20 et nous confrontent à l’univers du peintre dont on connaît finalement assez peu de choses. Si les femmes occupent une place singulière dans sa vie – on ne lui connaît que des liens fugaces avec les filles aux mœurs légères et l’on comprend vite que les véritables passions de son existence étaient essentiellement liées à l’Art. Un album musical et dansant, une balade artistique au cœur de Paris et un portrait d’homme en pointillés.

Et puis je crois qu’il n’aime rien tant que d’être seul.

Le dessin d’Antonio Lapone est une vraie immersion dans l’œuvre de Mondrian. Avec une habileté évidente et une acuité d’artiste, le dessinateur intègre constamment les jeux de  lignes droites et des blocs colorés si caractéristiques du maître. Face à cette droiture, et cette rigueur, il s’autorise quelques courbes lorsqu’il s’agit de dessiner les corps et les visages féminins. Belle manière d’adoucir les traits plus anguleux des silhouettes des autres personnages. Chaque petit chapitre, chaque petite séquence narrative nous donne ainsi à voir ses œuvres comme une affirmation constante de son penchant pour l’abstraction et l’on se plaît à lui trouver, entre les bulles, une sensibilité vulnérable derrière son flegme impassible.

Un album découvert lors de l’exposition – en présence des auteurs – de l’Association On a marché sur la bulle lors des 23e RDV de la Bande Dessinée d’Amiens.

Pour information, rendez-vous à la Halle Freyssinet d’Amiens chaque mercredi et week-end de juin pour déambuler à travers les expositions du rendez-vous dont celle sur La Fleur dans l’atelier de Mondrian.

Ouverture de la Halle :

Samedi 9, Dimanche 10

Mercredi 23, Samedi 16, Dimanche 17

Mercredi 20, Samedi 23, Dimanche 24

Mercredi 27, Samedi 30

Le blog d’Antonio Lapone : http://laponeart.blogspot.fr/

Le blog de Jean-Philippe Peyraudhttp://pleasantlydisturbed-jphpeyraud.blogspot.fr/

 

La Fleur dans l’atelier de Mondrian – Peyraud & Lapone

Glénat – Treize étrange

88 pages / 19€50

(48 pages consacrées à la BD / 40 pages avec un dossier graphique)

ISBN: 9782344008256

Novembre 2017

Chez Nouk cette semaine.

 

35 réflexions au sujet de « La Fleur dans l’atelier de Mondrian – Peyraud & Lapone »

Laisser un commentaire