Et mon coeur fait boum·L'Art du Roman

Le Dimanche des mères – Graham Swift

Après quoi, il disparut. Pas d’au revoir. Pas même un petit baiser. Juste un dernier regard. Comme s’il l’aspirait, comme s’il la buvait jusqu’à la dernière goutte.

Les draps sont froissés. Les corps nus. Une lumière singulière inonde la chambre où le temps semble figé. Un cendrier, la fumée des cigarettes qui brouille les frontières. Dans ce lit, rien ne dit qu’elle est une domestique, tout tait qu’il est un maître. C’est ce goût et cette odeur qu’a le dimanche des mères. Et, dans cet instant où les corps murmurent encore, sommeille l’infinie beauté d’une dernière fois. Il se lève, s’habille, revêt le costume qui rétablit l’ordre et la hiérarchie. Paul va quitter la pièce et retrouver Emma, celle qu’il doit épouser quelques semaines plus tard.

Nous sommes tous du combustible. Sitôt nés, nous nous consumons, et certains d’entre nous plus vite que d’autres. Il existe différentes sortes de combustion. Mais ne jamais brûler, ne jamais s’enflammer, ne serait-ce pas triste ?

En quittant la maison, il laisse derrière lui une femme encore nue, qui avant de partir à son tour va parcourir les pièces de la grande demeure. Jane la traverse et ses pensées vagabondent… Bureau, salle de bain, bibliothèque, jardin: dans chaque geste, dans chaque pas, elle semble faire corps avec ce lieu déserté pour la journée. L’occasion d’un jeu narratif singulier où la temporalité s’estompe. Futur, présent et passé dialoguent et lèvent le voile sur les instants que les miroirs ne reflètent plus.

Les gens lisent des livres pour échapper à eux-mêmes, pour oublier leurs problèmes, n’est-ce pas ?

De ce dimanche des mères, Jane gardera des souvenirs que seuls les mots pourront raviver et qu’elle refusera de céder à l’oubli.

De ce Dimanche de mères, je garderai le souvenir d’une magnifique lecture sous l’arbre. Un texte concis où la volupté fait loi, où la lumière sur le plancher nous enrobe, où les pas de l’héroïne donnent le tempo, où les silences se suffisent et apaisent. Des pages écrites par Graham Swift  émanent des mots d’une douceur absolue qui savent aussi laisser la crudité surgir. Une plume sensuelle et envoûtante qui scelle un grandiose destin de femme.

Comment peut-on devenir quelqu’un si l’on n’a pas d’abord été personne ?

Le Dimanche des mères Graham Swift

Traductrice: Marie-Odile Fortier-Masek

Du monde entier Gallimard

Janvier 2017

144 p / 14€50

ISBN:9782070178714 

 

 

 

30 réflexions au sujet de « Le Dimanche des mères – Graham Swift »

  1. J’ai beaucoup aimé cette lecture et j’ai pris un grand plaisir à lire ce billet qui rend parfaitement l’atmosphère du roman.

    J’aime

  2. Je n’ai pas réussi à rentrer dedans. Il fait partie de ces livres où je lis une page, puis mon esprit vagabonde, alors subitement je me rends compte que je n’ai rien suivi, alors je relis la même page, et puis je fini par le terminer en diagonale quand vraiment je ne suis pas happée par l’histoire…

    Aimé par 1 personne

    1. Les premières pages ne m’ont pas immédiatement captivée. Et puis, d’un seul coup, j’ai eu l’impression d’être immergée dans cette lumière et cette ambiance, d’être auprès de l’héroïne, tout le temps et de ne plus la quitter.

      J’aime

Laisser un commentaire