L'Art du Roman·Que jeunesse se fasse...

Solaire – Fanny Chartres

Mais elle ne veut pas. Je ne peux pas la forcer. Ossette et moi, on ne fait jamais de choses contre l’autre.

Il ne faut pas plus qu’un sobriquet comme Ossette pour que la finesse et le manque d’appétit de Sara aient de quoi alerter les regards attentifs. Même Ernest, le petit frère aimant a bien compris que quelque chose se tramait dans l’esprit de sa sœur. Comme les mots manquent parfois pour dire ce qui pèse et ce qui dévore, le corps prend le relai et choisit son langage.

Remplacer les images tristes par des joyeuses. Chasser la peur. Rendre nos vies plus légères.

Il faut bien admettre que le quotidien de ces enfants les a contraint à grandir un peu trop vite. A la maison, leur mère ne va pas au mieux. Dévastée par son divorce, elle se laisse prendre au piège d’une routine dangereuse de repli , engoncée dans une paranoïa qui la rend détestable et parfois hystérique. De crise en crise, ses enfants ont endossé le rôle des adultes et ont pris en main la vie à trois. Courses, préparation du repas, mots rassurants pour celle qu’ils ne reconnaissent plus. Si le binôme que forme la fratrie est solide, il n’en demeure pas moins que la situation devient invivable. Jalouse de tout et de tous, cette femme perdue et instable ne permet pas à ses enfants de profiter de la moindre parenthèse de bien-être tant chaque occasion de s’amuser ou de sortir un peu est vécue comme un affront, un abandon.

Heureusement qu’à l’école et au collège, Sara et Ernest ont des amis fidèles. Voyant sa sœur maigrir, Ernest se sent investi d’une mission: lui redonner la légèreté des adolescents tout en lui redonnant le plaisir de manger et de ne plus être une plume fragile. Pour cela, il faudra affronter le loup qui rôde et provoque ce blocage alimentaire. Et si un projet un peu fou venait leur redonner le goût de l’enfance et du jeu?

Au fil du temps, nous avons appris à communiquer par les yeux. C’est notre langage codé. Très pratique quand maman a des crises.

Après ma lecture enthousiaste de J’ai suivi un nuage de Maëlle Fierpied et Julie Guillem, j’ai retrouvé dans ce roman jeunesse de Fanny Chartres ce thème fort et complexe du mal être adulte qui se répercute sur les enfants.

Sous une plume fluide et douce, l’auteure touche à des sujets délicats qu’elle parvient à traiter avec finesse et intelligence. Jamais les mots lourds et durs relevant du langage médical ne sont prononcés. Qu’il s’agisse des faiblesses de l’adulte ou des fragilités de l’adolescence, tout est amené avec dextérité pour comprendre les rouages qui ont conduit ces personnages à se retrouver malmenés par la vie. Fanny Chartres ne ferme pas les yeux pour autant sur la dure réalité de la situation. Les crises de la mère sont spectaculaires et ce personnage se montre aussi déstabilisé que déstabilisant… Enfin, le récit s’orchestre autour de ces enfants, certains adultes à l’écoute leur accordent une attention précieuse et salvatrice.

C’est une maladie la fragilité? – Non mais quand elle est très importante, elle peut le devenir.

Cerise sur le gâteau, la couverture et les quelques illustrations du roman sont réalisées par la talentueuse Camille Jourdy dont le trait me charme à chaque instant. On regretterait presque le choix du noir et blanc quand on voit sa capacité à toujours proposer des couvertures pastel particulièrement lumineuses qui savent immédiatement saisir le regard du lecteur

Un roman à lire en grignotant de petits biscuits.

Fanny Chartres sur le blog : Chronique de Strada Zambila.

SolaireFanny Chartres

Illustrations de Camille Jourdy

École des Loisirs

Collection Neuf

Dès 8-9 ans.

Avril 2018

158p / 12€50

ISBN: 9782211235129

 

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