68 premières fois·L'Art du Roman·Prix littéraires

Les Déraisons – Odile d’Oultremont

Qui sait finalement, ce qui l’a séduite chez lui ? Adrien a toujours évité de se poser cette question. Et si Louise n’avait été séduite par rien chez lui ? Peut-être l’a-t-elle aimé pour une raison qui se trouve n’en être aucune. Juste parce que l’aimer, c’est pile poil l’endroit où se trouver, le point entouré sur la carte de Louise.

Adrien rencontre Louise et sait qu’un amour fou et passionné l’attend. Elle si solaire, lui spectateur conquis par cette femme hors du commun. Alors sans nul doute, vous imaginez bien que ce portrait de couple parfait devait  irrémédiablement se ternir… Nénuphar, crabe, Honey pops. Les métaphores ou détours pour ne pas nommer l’Odieux qui ronge et dévore ne manquent pas et jouissent d’un passé littéraire qui a connu un certain succès…

Mine de rien, il fallait être courageux pour démanteler des existences.

En faisant de Louise une héroïne atypique et singulière, Odile d’Outremont apporte un semblant de légèreté là où tout est ordinairement trop dur et trop lourd. La manière dont elle affronte la maladie se drape d’insouciance et d’un humour qui n’appartient qu’à elle. L’homme qu’elle aime entre dans cette valse avec la mort qui rôde comme pour conjurer l’inéluctable, défier la médecine et ses pronostics pessimistes.

De son côté, Adrien tait à tous une décision folle: celle de quitter, sans que personne ne s’en rende compte, son bureau-placard d’employé d’Aqua Plus. Jusqu’au jour où quelqu’un découvre la supercherie… Assigné en justice, il se retrouve à devoir justifier cette évaporation soudaine…  Cette intrigue secondaire – un peu kafkaïenne – vient ponctuer l’histoire du couple faisant face à la maladie.

La fin annoncée de Louise, c’était la peur immémoriale, celle qui ne pouvait être envisagée qu’à en mourir soi-même.

Il y a dans ces lignes – comment ne pas y penser – quelque chose de Boris Vian et l’on trouve au fil des pages le décalage poético-sensible d’Olivier Bourdeaut. Sous une plume fluide et douce, l’histoire d’un couple s’écrit. Et pendant que le grand amour s’éteint, le souvenir de Louise se fige entre les lignes. Si je n’avais pas lu En attendant Bojangles récemment, j’aurais peut-être été plus profondément touchée, plus amusée par ce personnage décalé. J’ai peut-être simplement trouvé à cette histoire un goût de trop et de déjà-lu.  J’y ai aussi – sûrement – côtoyé une actualité trop brûlante pour l’apprécier à sa juste valeur.

Même si je le voulais, je ne saurais pas où aller chercher les larmes. Je pleure pour les autres. Pour moi, j’invente.

Si cette lecture n’a vraiment rien eu de fondamentalement déplaisant, elle n’a pas su susciter l’enthousiasme débordant que j’ai pu lire chez d’autres… Les Déraisons reste un premier roman prometteur mais sans parvenir à se démarquer sensiblement de titres qui ont déjà flirté avec cette folie douce face à la mort. Quitte à faire de l’humour absurde le fil rouge de ce récit, il aurait dû le rester jusqu’au bout, jouer le jeu sans s’essouffler en fin de parcours pour conduire le lecteur vers une scène trop bien ficelée pour toucher la corde sensible et pathétique.

A quoi servait de faire l’effort de se parler si c’était pour échanger un tel vide?

Un livre à lire avec la légèreté des grandes folies.

Dans la sélection des 68 premières fois.

Les DéraisonsOdile d’Oultremont

Éditions de l’Observatoire

Rentrée littéraire de Janvier 2018

Le Prix de la Closerie des Lilas 2018

ISBN: 9791032900413

220 pages / 18€

22 réflexions au sujet de « Les Déraisons – Odile d’Oultremont »

  1. Je n’ai pas lu En attendant Bojangle du coup je pense que celui d’Odile d’Oultremont me plaira. Les citations que tu as mises sont magnifiques et si tout le livre est écrit de cette manière je sais que je l’aimerai beaucoup

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      1. Non non on est plusieurs je te rassure 😉 et je me suis fait aussi la réflexion bojangles, peut être si je ne l’avais pas lu aurais je été plus émue par celui-ci… on ne saura jamais !😂 il reste un récit lumineux et l’amour relaté est très beau… je crois que son problème c’est le « souffle » propre à l’auteur, je n’en trouve pas. À voir avec son deuxième 😉

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      2. Je vois qu’on a vraiment « ressenti » ce livre de la même manière… Pour ce « souffle », j’ai parfois trouvé qu’elle en faisait trop pour donner dans le jeu de mots, le ton décalé. Certaines choses auraient pu être menées plus finement, surtout avec un couple de cette envergure.

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  2. Et bien, contrairement à toi, j’ai largement préféré Les déraisons au roman de Bourdeaut. Je l’ai trouvé bien mieux écrit, bien plus poétique. L’autre m’avait laissé de marbre, celui-ci m’a complètement embarquée. Comme quoi, on ne ressent pas tous les mêmes choses face à un même livre. C’est sympa de lire toutes ces critiques différentes.

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  3. Exactement le même avis que toi. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser au nénuphar de Chloë chez Vian et à la folie de ce couple rencontré chez Bourdeaut. Du coup j’ai eu une sensation de déjà lu même si l’écriture est habile.

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  4. Du coup ça m’interroge… Je n’avais pas noté ce titre au départ, puis sont venues les bonnes critiques, et forcément mon intérêt… Et là ben… j’hésite maintenant. C’est malin 😀

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