L'Art du Roman·Rentrée littéraire

Un état d’urgence – Mathieu Bermann

La première fois que Louise voit Maxence, elle ne le voit pas vraiment. Pas plus qu’un beau garçon dont on remarque, sans en être bouleversé, la beauté.

Elle est installée dans un bar et tombe vite sous le charme de cet homme un peu plus jeune qu’elle. Ne sachant pas tellement comment s’y prendre pour aborder celui qui devient vite une obsession, elle joue les habituées sur son lieu de travail et cherche discrètement – mais sûrement – à attirer son attention. Mais ce 13 novembre 2015, Paris s’agite, s’affole, pour douloureusement s’éteindre.  Le vacarme assourdissant qui va venir bouleverser la capitale les conduit à commenter et vivre ensemble l’actualité qui défile sur les écrans.

Vouloir tout, tout de suite lui paraît bien la moindre des choses, surtout lorsqu’on a perdu, comme lui, autant de temps.

Les voilà qui se retrouvent plus régulièrement et apprennent à se connaître. Fruits d’une génération qui se like et se scrute sur les réseaux sociaux, les voilà qui explorent en curieux aventuriers du web, la vie de l’autre sur écrans interposés. Au fil des rendez-vous ou des étreintes – venant assouvir ce désir fulgurant de Louise pour Maxence – ils se découvrent et comprennent vite qu’un monde les sépare, mais cela importe peu puisque leurs peaux savent se trouver.

Où ranger un livre lorsqu’on n’en a qu’un?

Sur un ton léger, Mathieu Bermann joue de sa plume désinvolte pour raconter l’histoire d’amour de Louise et Maxence dont les premiers mots ont quelque chose du Aurélien d’Aragon. Il explore ainsi cette attirance qui rapprochent deux êtres qui ont finalement assez peu de choses à partager. L’une est avocate, l’autre serveur et au-delà des différences sociales, quand ils tentent timidement d’ouvrir leur monde à l’autre, les malaises, silences et questionnements s’invitent dans la danse. En grattant le vernis fragile, à mesure que les mots se libèrent, l’héroïne sent l’homme qu’elle désire prononcer des mots qu’elle n’a pas envie d’entendre… Avec en toile de fond une France dont on chahute les entrailles, deux discours se mélangent: celui d’un jeune homme prêt à céder à la tentation du pire à l’aube d’élections présidentielles, celle d’une femme libre et indépendante qui ne sait pas comment faire face à cet élan pro FN qu’elle saisit et devine chez Maxence… A cette intrigue principale, s’ajoute un parti pris narratif: celui de raconter cette histoire singulière à travers un troisième personnage particulièrement proche de Louise.

Familier et accueillant, mon corps l’est assurément pour Louise. Il lui sert de refuge pour penser à un autre que moi, rêver à d’autres bras que les miens.

Des pages vite tournées qui n’ont guère eu le temps de marquer et encore moins de me toucher. Un texte qui aurait tout d’un petit scénario de série pouvant passablement intéresser TF1. Pourtant séduite par l‘approche narrative, j’ai finalement trouvé qu’elle installait une trop grande distance et froideur entre le couple et le lecteur le rendant assez insipide. Leurs échanges sont une vacuité désarmante et l’on voit se tisser, un poil désarçonné, le portrait fade et sans charme d’une génération dans laquelle je peine à me reconnaître… Ajoutons à cela ce tour narratif avec lequel l’auteur vient achever son roman: un « point final » beaucoup trop facile pour me convaincre.

Un livre lu sans grand enthousiasme ni plaisir.

Un état d’urgence – Mathieu Bermann

Éditions POL

176 pages / 14€

ISBN 978-2-8180-4346-2

Rentrée littéraire Hiver 2018

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