Coup de théâtre !·Les classiques c'est fantastique

La Machine infernale – Jean Cocteau

Pour que les dieux s’amusent beaucoup, il importe que leur victime tombe de haut.

Ils n’ont rien d’anodin ces mots. Et d’autant plus lorsqu’ils vous sont jetés au visage dès les premières pages d’une tragédie que le grand Cocteau choisi de s’approprier, pour mieux nous relater la chute du héros à la lignée maudite.

Anubis: Beaucoup d’hommes naissent aveugles et ils ne s’en aperçoivent que le jour où une bonne vérité leur crève les yeux.

L’histoire, nous la connaissons tous. Celle de l’Oracle qui prédit à ce couple royal un destin funeste. L’enfant tant désiré tuera son père pour épouser sa mère. Parricide et inceste, ou toute l’horreur du crime incarnée par un seul homme. Et quoi que fassent les hommes, quels que soit la ruse et le détour élaborés pour contourner les paroles sacrées, une seule chose est sûre : on ne peut échapper aux paroles prophétiques des oracles.

Le Sphinx: Et tu demanderais grâce et tu n’aurais pas à en avoir honte, car tu ne serais pas le premier, et j’en ai entendu de plus superbes appeler leur mère, et j’en ai vu de plus insolents fondre en larmes, et les moins démonstratifs étaient encore les plus faibles car ils s’évanouissaient en route, et il me fallait imiter les embaumeurs entre les mains desquels les morts sont des ivrognes qui ne savent même plus se tenir debout !

Dans cette réécriture moderne du mythe antique, deux dimensions cohabitent. Une première particulièrement fidèle à l’œuvre l’Oedipe-roi de Sophocle, portée par une Voix qui relate les grandes lignes du récit originel. Souffle ensuite un vent de liberté que Cocteau entretient au fil des pages. L’hybris du héros antique s’exprime à travers un personnage fier, particulièrement sûr de lui et  imbu de sa personne. Il tombera inévitablement, victime de la malice divine et paiera cher son excès de confiance et son insolente arrogance. Sa chute n’en sera d’ailleurs que plus terrible.

Jocaste: Les choses qui paraissent abominables aux humains, si tu savais, de l’endroit où j’habite, si tu savais comme elles ont peu d’importance.

Au fil des pages, Jean Cocteau offre une belle place aux fantômes et aux âmes damnées. Le fantastique s’invite allégrement en se jouant des conventions classiques et saupoudre d’une évidente fantaisie ce drame qui ronge lentement les personnages. Jouant la carte de la connivence avec le lecteur par le biais de la double énonciation, l’auteur se paie une joyeuse complicité scellée par l’humour en laissant l’initié saisir les double-sens et les évidences que les personnages ignorent encore. Réjouissant et savoureux ! Un titre parfait pour un retour aux classiques en 2018

La chronique de Violette.

Ma résolution livresque étant de lire 12 classiques dans l’année, voilà la première pierre à l’édifice…

◊ JanvierLa Machine infernale – Jean Cocteau.

La Machine infernale – Jean Cocteau

Le livre de Poche

Édité chez Grasset – Les Cahiers rouges

ISBN:9782253009160

4€30 /  192 pages

 

24 réflexions au sujet de « La Machine infernale – Jean Cocteau »

    1. C’est vraiment un défi personnel que j’essaie de m' » » » »imposer » » » » car je passe mes journées à parler des classiques à mes trolls pour finalement moins en lire. Alors j’espère m’y tenir… L’année dernière fut un échec: 4/12, l’année précédente 8/12…

      Aimé par 1 personne

  1. Une belle lecture pour une belle résolution, j’en garde un souvenir fort ( mais bon, les réécritures de mythe m’intéressent particulièrement ), tu me donnes envie de relire. Quels auteurs/titres as-tu envie de lire ? Déjà une idée ?

    Aimé par 2 personnes

Laisser un commentaire