L'Art du Roman·Que jeunesse se fasse...

Sirius – Stéphane Servant

Oui, Kid avait peut-être raison. Lire ne servait plus à rien sinon à ne pas oublier le passé.

Avril et Kid errent sur notre Terre qui a perdu de son arrogante splendeur. Dans ces conditions, la méfiance est devenue un art de survivre et ce duo fragile n’a d’autre choix que d’être tout pour l’autre. Frère et sœur, main dans la main, pas après pas. Trouver son refuge, ouvrir les yeux, trouver ces capsules qui, comme des coffres à trésor, assurent le peu de confort qu’il est encore possible de saisir sur cette planète qui se meurt. Et au milieu des révélations douloureuses, des réminiscences d’un passé qu’on voudrait parfois oublier, surgissent ces passages qui viennent entrecouper le récit, comme les chœurs d’une tragédie grecque. Une voix obsédante qui hante et parle la langue des bêtes et qui lève le voile sur les secrets d’un enfant en osmose avec une nature affaiblie qui peut, si l’on s’en donne la peine, offrir de nouveau une place aux Hommes qui croient en elle.

Le monde ne lui avait jamais paru aussi beau que depuis qu’elle avait compris qu’il était en train de disparaître.

Au bout de cet interminable chemin jalonné d’inquiétudes et de doutes, de frayeurs et de fuites, le possible espoir d’un ailleurs où tout ira mieux. Mais les hommes sont-ils réellement prêts à cela?

Tu sais d’où vient la tristesse, Avril ? Elle vient des silences, pas des mots.

En découvrant Stéphane Servant, je suis tombée amoureuse d’une plume. Un coup de foudre avec La Langue des bêtes pour un texte qui se voulait unique, incroyablement beau. Je n’ai certes pas retrouvé le même souffle poétique avec Sirius (la langue est autre, plus accessible peut-être…) mais c’est – je crois  – un parfait tremplin pour partir à la rencontre de l’auteur avant de tendre la joue pour prendre une belle claque littéraire…

Au-dessus, il y avait tant de rayures mordorées que la nuit ressemblait à une broderie orientale ou à une toile de ce peintre à l’oreille coupée dont Avril avait oublié le nom. Les étoiles semblaient toutes filer vers l’est.

Dans ce roman qui fait appel à un thème très en vogue dans la littérature jeunesse, Stéphane Servant trace sa route et impose son récit aux multiples péripéties en créant des personnages au charisme évident. Pour reprendre la formule de Kerouac, c’est à son clochard céleste qu’est allée ma préférence. (Il devance de peu Madame Mô et ses livres…) Ce mystérieux personnage furieusement romanesque qui écrit comme il respire et qui porte en lui une humanité qui s’évapore, s’éteint. Dans le cœur de cet homme, figure de conteur intemporel,  sommeillent bien des fables qui ne demandent qu’à être partagées, racontées…

Ainsi, les êtres croisés accompagnent les héros sur leur chemin et les poussent lentement vers la chute ou la renaissance.  On y retrouve les thèmes chers au cœur de Stéphane Servant et l’on sent sa sensibilité engagée pour le monde animal et pour la nature dans ce qu’ils offrent de plus simple et essentiel aux hommes, aveuglés par l’hyper-consommation… De quoi inviter à réfléchir tout en se laissant bercer par l’envoûtant pouvoir de la littérature.

On meurt un peu tous les jours, Kid. Sans s’en rendre compte.

Les Carnets de Stéphane Servant.
Ma chronique sur La Langue des bêtes.
prix20sorcieres202018
♥ Prix Sorcières 2018 catégorie
CARRÉMENT PASSIONNANT MAXI

Sirius – Stéphane Servant

Le Rouergue

Collection épik

16€50 – 480 pages

ISBN: 9782812614330

Finaliste du Prix Vendredi

Lauréat du Prix Sorcières 2018

 

19 réflexions au sujet de « Sirius – Stéphane Servant »

  1. J’ai lu Sirius au mois de Décembre, malgré un thème « apocalyptique » qui ne m’attire pas du tout (mais alors pas du tout) habituellement. Je l’avais croisé au détour d’une balade sur le blog Allez vous faire lire, gardé dans un coin de ma tête puis finalement emprunté à la bibliothèque.
    Malgré des personnages assez attachants et des animaux adorables (c’est le point que j’ai préféré dans ce récit ^^), je n’ai pas du tout adhéré à la plume de Servant. Trop de répétitions, je ne pouvais pas m’empêcher de réécrire les phrases dans ma tête (c’est une lubie un peu bizarre qui m’arrive de temps en temps huhu, « réécrire » les livres en les lisant…). Un peu triste que le charme n’aie pas opéré sur moi, mais je suis quand même contente d’avoir essayé. C’est tout de même un joli conte écologique qui nous pousse à réfléchir sur la société dans laquelle on vit…

    Bonne soirée et jolie année 2018 ! =)

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  2. Je n’avais pas répondu à ton long message et j’en suis désolée. Concernant la plume de Servant, je crois que ce n’est pas LE roman qui témoigne le mieux de sa poésie. La langue des bêtes est le titre parfait pour ça.
    Je crois que ton impression est surtout liée au fait que ce soit Kid qui intervienne souvent… Le langage est alors plus « simpliste » et parfois marqué par ces répétitions qui peuvent déranger.
    Si tu te lances avec son autre titre, tiens moi au courant ! 😉

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