Pour quelle autre geôle quitterais-je donc mon frère, ma famille? Ce Modigliani aime les femmes (« les maîtresses, les putains »), avale du vin, du rhum, sans que ses yeux se vitrifient un seul instant […] Ce bandit te traînera dans la boue, Jeannette. Ce voyou fera ton malheur.
Elle croise Amedeo Modigliani et tombe follement amoureuse en niant furieusement qu’il puisse un jour causer sa perte. Elle l’aime, attirée par l’homme, fascinée par l’artiste. Elle l’aime, et le reste n’est que littérature…
Avale ce sang suave, jeune fille. Et surtout baise! Baise! Tu as l’éternité pour dormir.
Elle est Jeanne Hebuterne: un cœur pur, prêt à en découdre avec la passion. Une demoiselle prête à la vivre pleinement, à se laisser happer. Et peu importe le prix. Fille de bonne famille, celle que le provoquant peintre Chaïm Soutine surnomme la petite bourgeoise vit dans une cage dorée dont les barreaux sont à l’image des gens qui l’entourent. Des parents, fervents dévots, ultra protecteurs, soucieux du respect de la morale et du regard des autres et un frère, André, parti sur le front qui entretient avec elle une relation trop fusionnelle pour paraître saine (à l’image d’un Paul Claudel avec sa sœur Camille…) Engoncée dans ce carcan familial, elle n’aspire qu’à la fuite, mais, inévitablement, la libération a le prix du renoncement et l’on ne s’éprend pas d’un homme comme Modigliani sans essuyer quelques douloureux revers.
Voilà où il en est. Il va, il vient. Il empire… Il ne faut sans doute pas trop attendre des hommes.
Ce roman est, je crois, un de mes vrais beaux coups de cœur de cette rentrée littéraire. Je connaissais Jeanne Hebuterne et son histoire suite au film de Mick Davis (avec Andy Garcia, Elsa Zylberstein) sur Modigliani. Ce livre en est un très bel écho et Olivia Elkaim signe ici sans conteste un sublime portrait de femme. Sous la forme d’un carnet, d’un journal intime, sa plume offre une voix passionnée à celle qui a aimé avec la ferveur bafouée d’une grande amoureuse. Fidèle à la noblesse des sentiments qui la bouleversent, cette héroïne raconte la collision des corps et des cœurs, les illusions qui aveuglent, la douleur qui déchire, l’émancipation qui libère. Sa voix nous accompagne dans un Paris splendide et misérable et l’on se passionne pour ce récit absolument captivant.
On ne fouille pas dans les affaires de l’autre avec la fureur de ceux qui se sont aimés et qui finissent par fureter partout pour se prouver qu’ils se haïssent. On ne regarde pas dans les livres, les annotations, les phrases soulignées trois fois […] Pas de jalousie, quand bien même le désir fou de possession se fracasserait sur la réalité: je ne suis pas lui, il n’est pas moi.
Mais derrière cette histoire d’amour singulière, il faut aussi voir le portrait d’une société où deux mondes se scrutent avec dédain et s’entrechoquent. Celui d’une bourgeoisie catholique tantôt ouverte, tantôt sans concession et celui d’une bohème maudite qui se noie dans ses excès et ses démons. Et sous cette ligne de faille, un gouffre béant qui n’attendait plus que Jeanne Hébuterne.
Un désir fou a vaincu ma mélancolie. J’ai réussi à éloigner la mort. Je vis à toute allure.
Un autre roman de la rentrée littéraire sur la même époque mais d’un tout autre ton: Minuit Montmartre de Julien Delmaire chez Grasset.
Je suis Jeanne Hébuterne – Olivia Elkaim
23 août 2017
Rentrée littéraire Septembre 2017
240 p / 19€
ISBN: 9782234079700
Les extraits que tu as mis sont tellement beaux!
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Et encore, j’ai ai bien une quinzaine que je ne pouvais pas ajouter au risque de faire « trop »…
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La vie des peintres inspirent beaucoup les romanciers ces temps-ci ! Mais c’est surtout un portrait de femme si je t’ai bien lue ?
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C’est le cas en BD et dans le cinéma aussi… Et j’avoue que ça me passionne. Encore plus quand les récits sont beaux comme celui d’Olivia Elkaim…
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Désolé pour hors sujet, mais ton chat est trop beau… 🙂
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Mouahahah.
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Quand Marshall rencontre Goran…
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Encore une « exofiction »… mais qui semble tout à fait intéressante !
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Elle est passionnante… Je pourrais la relire…
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Ce roman me tente pour le portrait de femme et son lien avec l’art
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Étant artiste elle aussi, cela a un écho particulier quand on la sait dans l’ombre de Modigliani.
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C’est au programme dans ma liseuse 🙂
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Je te souhaite une belle rencontre avec Jeanne.
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On sent que tu as aimé cette lecture. Et tu m’as convaincu.
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J’avoue que je ne me serai pas tournée vers ce livre spontanément, me faisant les mêmes réflexions que Aifelle et Kathel, et je reconnais que ton billet est motivant !
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Tu es plus que tentante, une bd est sorti aussi de cette rentrée littéraire et qui parle aussi de cette Jeanne là.
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Celui-ci, je le note Moka!
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Je le note Moka!
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C’est le genre d’histoires qui peuvent m’intéresser !
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Aucun doute là-dessus !
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Je l’ai beaucoup aimé également !
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Un beau portrait de femme, je ne dis pas non. Si en plus c’est un de tes coups de cœur de la rentrée…
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Vile tentatrice !
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