L'Art du Roman·Rentrée littéraire

Un funambule sur le sable – Gilles Marchand

J’ai avancé dans la vie comme un funambule sur le sable, avec un don que je ne pouvais pas utiliser, empêtré et maladroit.

Né avec un violon niché dans le crâne, Stradi grandit avec sa petite musique intérieure et a, dès la naissance, le parfait bagage des héros atypiques… Conscient de cette différence invisible mais ô combien sonore, le petit garçon apprivoise ses cordes rebelles, tantôt dissonantes, tantôt époustouflantes, tantôt insolentes, tantôt virtuoses. A ses côtés, un frère au parcours exemplaire, une mère qui aime suffisamment son époux-chercheur-inventeur pour accepter ses lubies parfois incongrues, un ami boiteux qui vit dans une bulle musicale… Et au milieu de cette joyeuse bande surgit la jolie Lélie. Stradi apprend donc à vivre avec les autres comme on déchiffrerait difficilement une partition. S’il sait à merveille bavarder des heures avec les oiseaux, il comprend vite que le langage des hommes est finalement plus complexe et que les  silences et les absences s’invitent parfois dans la cadence folle de son existence… Une vie à contretemps qui imposera son rythme en attendant qu’il trouve sa place dans la douleur, la surprise ou la résignation.

Il y a des conversations qui ont des goûts d’alcool, les enfants savent qu’elles existent mais n’ont pas le droit d’y toucher.

Un deuxième roman porte en lui un enjeu toujours très délicat. Conquise par Une bouche sans personne, j’ai retrouvé la plume de l’auteur avec un plaisir évident, renouvelant la joie de replonger dans un récit qui dose avec une grande justesse la part de folie et d’absurde qui nourrissent les écrits de l’auteur. Et puis, je crois que j’aime follement les héros de Gilles Marchand. J’aime ce souffle naïf qui les traverse, cette fragilité constante et cet équilibre précaire qui les portent à bout de lignes, cette façon d’être qui les rend furieusement beaux.

Parce que je l’aimais et que sans elle, j’étais comme un vieux slow désaccordé. Que j’étais prêt à renoncer à tous les oiseaux, à tous les mensonges – même par omission- que je lui raconterai tout, même ce que je n’avais jamais dit à personne.

Comme un luthier travaillerait le bois avec la plus grande des délicatesses, il façonne au fil des pages des personnages qui ne craignent pas les décalages. Les aspérités de l’instrument trouveraient alors un écho dans les corps bancals des héros, dans les aléas de leurs parcours où la désillusion est parfois un compagnon de route envahissant… Il faut vraiment partir à la découverte de ces pages, il faut se laisser prendre au jeu de cette musique-là. Peut-être entendrez-vous alors, dans le silence de la lecture, la douce mélodie qui rythme la vie de Stradi.

Comme le veut l’usage, nous nous sommes promis de nous revoir, mais nous savions tous les deux que ce ne serait pas le cas.

Un roman choisi pour ma sélection de Marraine des matchs de la Rentrée littéraire 2017.

Ma chronique d’Une Bouche sans personne.

Un funambule sur le sable – Gilles Marchand

Aux Forges de Vulcain

24 Août 2017

Rentrée littéraire Septembre 2017

354 pages / 19€50

ISBN :978-2373050288

 

39 réflexions au sujet de « Un funambule sur le sable – Gilles Marchand »

  1. J’ai hésité à mettre ce titre en premier choix chez Price minister et finalement j’ai mis Gabriele ( je viens d’ailleurs de le recevoir). Mais voilà tu me ferais presque regretter ( presque seulement parce que j’ai hâte de lire Gabriele). Du coup je n’ai plus qu’à passer chez mon libraire 😉

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  2. Coucou!
    Je découvre ton blog avec plaisir!
    J’ai lu aussi récemment Une bouche sans personne, que j’ai beaucoup aimé! J’ai trouvé à ce roman un petit souffle de l’Ecume des jours de Vian et d’Amélie Poulain!

    Celui-ci a l’air tout aussi poétique, non?

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