Tu hésites hein? Avoue! Tu pues la peur!
La pièce n’est pas très grande noyée dans l’obscurité des murs qu’on distingue à peine. Sous la lumière jaunâtre émanant d’un plafonnier aux allures de vieux projecteur, un bureau joue les frontières entre deux chaises. L’entretien peut commencer, les langues peuvent se délier… Mais attention… Nulle place ne sera accordée aux mensonges et les mots confessés doivent impérativement se nourrir de vérité.
Un immense homme au visage sillonné de rides écoute, stylo à la main, le petit homme affaibli par le voyage et les souvenirs trop lourds à porter. Son visage semble dissimulé derrière un masque. Il vient du Petit Pays dont on sait peu de choses et a quitté sa terre pour le Haut Pays en vivant ce départ comme un déchirement. Le périple fut long, périlleux et douloureux. Il lui aura fallu abandonner ses racines, se résoudre aux adieux et éviter les monstres aux mille visages sur l’interminable route. A l’issue de cette confession qui ravive les plaies qui ne cicatriseront jamais totalement, la possible obtention d’une place sur cette terre d’abondance si difficile à atteindre. Mais avant d’obtenir ce Graal, il faut oublier sa pudeur et sa peine, se raconter et attendre qu’on vous juge digne d’accéder de l’autre côté de la frontière…
Ne lui réponds pas. Réserve les détails de ma vie et de ma mort à ceux qui le méritent.
Avec cet album imposant, Zabus (scénariste du grand Macaroni) confie sa pièce de théâtre au monde du 9e Art. Il fait de son récit une fable inhumaine hantée par les monstres cruels. Qu’importe leur origine, qu’importe les motivations qui les poussent à jouer les tyrans: il faut les fuir à tout prix… Le scénario d’une grande finesse et d’une intelligence rare emprunte de multiples chemins pour raconter l’exil sans jamais perdre son lecteur. Certaines cases se gorgent d’espoir, d’autres déroutent par leur absurdité… Métaphores et onirisme s’invitent également au fil des planches. Ajoutez à cela, des dialogues qui, derrière une apparente légèreté ou un humour piquant, savent aussi briller par leur poésie noire et glaçante: rien d’innocent au cœur des bulles pour dire combien le pari fou de l’ailleurs peut malmener le corps et l’esprit.
L’Exilé s’épuise tant à survivre qu’il en oublie la raison pour laquelle il est parti, ce qu’il cherche et même qui il est. Il n’est plus qu’un corps qui marche.
Associée au trait fantasmagorique d’Hippolyte, l’histoire prend une dimension des plus étonnantes. Les personnages incarnent ces âmes errantes qui cherchent leur salut plongées au cœur de ces terres hostiles au climat particulièrement angoissant. Nul n’est épargné et chacun dans sa fuite joue les funambules avec le monde des vivants. Le moindre faux pas et la moindre erreur vous expédient dans le cercle des ombres: celles qui obsèdent les esprits en perdition, celles qui survivent en chacun de ceux qui portent en eux les fantômes du passé. Surgissent alors des pages qui explorent bien des nuances colorées, des silhouettes étranges qui ne sont pas sans rappeler l’univers graphique du grand Miyazaki. Et bien que le coup de crayon, un poil dépouillé et épuré puisse parfois faire hésiter les plus frileux qui croiseront ces planches, il serait vraiment dommage de passer à côté de ce récit singulier et puissant qui relate avec une belle audace l’enfer de ceux qui ont laissé leur patrie derrière eux.
Un coup de cœur grinçant.
Réfléchis, fils. Il n’y a plus que toi pour nous raconter.
La chronique d’Yvan.
Chroniques abordant la même thématique sur le blog: littérature et immigration.
Les Ombres – Vincent Zabus & Hippolyte
ISBN: 978 2 7529 0901 5
24€ / 179 pages
Prix littéraire des lycéens et apprentis d’Ile-de-France
Prix Laurence Trân
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Le premier mercredi du mois, la BD de la semaine est au milieu des livres!
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Les chroniques des amoureux des bulles:















Elle a tout pour me plaire !
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Je pense que ça peut vraiment te parler…
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Les dessins!!!
Et puis Zabus, quoi, comment résister ?
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Voilà ! Zabus… Beau conteur…
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Je l’ai eue entre les mains mais j’en ai eu peur et l’ai reposée… Tu me donnes envie de franchir le cap ! 😉
Voici ma participation de la semaine : http://bouquinbourg.canalblog.com/archives/2017/06/07/35355891.html
Bon mercredi Moka !
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C’est une ambiance très particulière mais cet album vaut vraiment la peine d’être découvert. ^^
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en effet, les dessins me rebutent un peu… mais comme tu le dis, il faut savoir passer outre, d’autant que le thème me plaît! Je note je note!
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Ca faisait longtemps… Très beaux dessins…
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Oui, je reviens tout doucement… ^^
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Coucou Moka… Très belle bd, j’aime le style. Je note… Passe une belle journée!
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le dessin ne me tente pas trop, je verrais si je tombe dessus.
en tout cas, merci pour la découverte
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Il peut décontenancer un peu au premier coup d’oeil. Moi j’adhère complètement !
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Coup de cœur grinçant ! ça me plait autant que ça me fait frissonner ! Ma coquine, tu sais drôlement nous emballer ❤
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Et dieu sait si j’aime quand tu t’emballes ma fruitée !
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ça m’a quand même l’air d’être assez perché. Je vais plutôt me lancer dans Macaroni qui m’attend depuis bien trop longtemps maintenant !
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Un peu. Mais les deux sont vraiment excellents.
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Quelle atmosphère….! Je préfère tout de même commencer par Macaroni que je finirais bien par me procurer ❤
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ça a l’air troooooop bien !! je note 😀
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J’aime beaucoup les dessins et surtout ces tons bleutés! Mais avant ça, je dois encore découvrir Macaroni!!
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Cette BD m’intrigue énormément.
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