L’appartement est impeccable. Le domicile bien tenu. Les enfants sont élevés dans une bonne famille qui a l’art des bonnes manières et une bonne pour les tâches ménagères qui ne méritent pas d’être assumées par des mains douces, ignorant la dureté des corvées quotidiennes.
Nora a épousé Helmer. Helmer a épousé Nora. Ainsi va leur petite routine bien huilée. Nora joue à merveille le rôle qu’on lui donne: elle est la petite femme servile et lisse, souriante en société et attentionnée envers son époux qui apprécie cette dévotion maritale absolue. Nora est la petite chose d’Helmer et c’est en nappant d’amour et de bons sentiments son discours de bon père de famille responsable qu’il semble avoir offert une place singulière à sa femme.
NORA: Et il ne t’a rien laissé pour vivre?
KRISTINE: Pas même un chagrin ou un manque à combler.
Un matin, tout bascule pour une sombre histoire d’argent et de chantage. Nora prend alors conscience de l’équilibre précaire sur lequel s’est construit son couple. Prise à la gorge par un engagement financier contracté quelques années auparavant, la voilà soumise à un maître chanteur peu scrupuleux qui espère profiter de la situation pour obtenir une meilleure place dans la banque où travaille Helmer.
La pièce d’Ibsen met en scène un quatuor d’acteurs liés par leurs intérêts communs dans un huis clos qui gagne en puissance au fil des actes. Les rôles secondaires viennent équilibrer avec beaucoup de justesse, de résignation et d’ironie, le jeu (et le destin) du duo principal et j’ai beaucoup aimé ce cinquième personnage, le docteur Rank, qui gravite autour d’eux et jouera à mon sens un rôle essentiel dans l’émancipation du personnage de Nora.
Pouvoir des apparences, conventions sociales, valse des mensonges et des faux-semblants, Une maison de poupée joue la carte de la satire sociale dans cette sphère ridicule des petits bourgeois pour devenir une œuvre des plus subversives pour l’époque. Elle pose un regard amer et piquant sur la condition féminine pour mieux servir la volonté discrète de l’héroïne de refuser ce statut qu’on lui impose. Cette pièce est indéniablement l’histoire d’un cheminement, d’une renaissance, d’un choc radical (et absolument irréversible.)
Allons, tout est fini, il le faut. Il ne s’agit plus de bonheur désormais, il s’agit seulement de sauver les restes, les débris, les apparences.
Si l’acte I m’a peu convaincue, j’ai fini par trouver ma place dans cet appartement au milieu de ces hommes et ces femmes qui tentent désespérément d’exister. Progressivement, l’intrigue prend tout son sens et les héros, pions de cette tragédie du couple, de ce drame social doivent se résoudre à faire face à la vérité qui dérange. Un discours particulièrement audacieux pour une époque qui étouffait l’individualité des femmes, dans une société où elles n’étaient qu’accessoires, réduites à un vulgaire faire-valoir conjugal. Un texte à la force insoupçonnée qui dit combien la voix de Nora porte en elle le germe de bien des combats féministes encore à mener.
Une première chronique aux tonalités nordiques pour mon Tour du monde littéraire

La Maison de poupée d‘Henrik Ibsen Traduit du norvégien par Eloi RECOING Actes Sud, dans la collection Babel ISBN:978-2-330-06589-8 6€70 / 160 pages / Juin 2016 (1879) |
Je ne connaissais pas du tout, merci pour la découverte Moka. Tu en parles vraiment bien !
J’aimeJ’aime
Merci Marguerite. Contente de partager cette découverte avec toi car c’est une grande première en Ibsen et moi.
J’aimeJ’aime
Moi non plus je ne connaissais pas et je suis bien tentée. J’aime bien lire du théâtre de temps en temps.
J’aimeAimé par 1 personne
Oui, c’est un autre souffle qui nous porte dans ce genre de lecture. Et un autre rythme aussi finalement.
J’aimeJ’aime
« Nora joue à merveille le rôle qu’on lui donne: elle est la petite femme servile et lisse, souriante en société et attentionnée envers son époux » c’est le femme parfaite 😀
J’aimeAimé par 1 personne
Mouahahah. Alors toi. Je crois que je commence à bien te cerner. J’étais presque sûre que tu interviendrais pour une remarque de cet acabit cher Goran. 😀
J’aimeAimé par 1 personne
lol
J’aimeAimé par 1 personne
J’en avais entendu parler pendant mes cours de théâtre et cette pièce m’a toujours intriguée !
J’aimeAimé par 1 personne
Je t’avoue que je n’avais pas du tout croisé ce titre durant mes études de lettres. Et puis, il a suffi d’une chronique de blog pour me donner envie. Mais j’ai oublié le nom de la blogueuse chez qui j’ai repéré ce titre…^^
Du coup, je ne compte pas en rester là avec Ibsen.
J’aimeAimé par 1 personne
Et hop, dans ma PAL ! ^^
J’aimeAimé par 1 personne
Ah super !
J’aimeJ’aime
Moi qui n’aime pas lire du théâtre, tu me donnes envie 😉
J’aimeAimé par 1 personne
J’en lis souvent pour dénicher des choses nouvelles pour mes trolls (qui ne lisent plus facilement Molière) et bien que je n’aille pas souvent vers ces écrits, je prends toujours beaucoup de plaisir à lire du théâtre.
J’aimeJ’aime
Un peu de théâtre de temps en temps ne pas faire de mal, surtout s’il te fait voyager 😉
J’aimeAimé par 1 personne
Oui, ça change un peu de mes habitudes et ça me plaît…
(J’aime le changement t’sais.)
J’aimeJ’aime
Un classique que je ne connais pas et que tu me donnes envie de découvrir.
J’aimeAimé par 1 personne
Découverte tardive en ce qui me concerne… Ravie d’avoir croisé ce titre…
J’aimeJ’aime
Belle chronique sur une pièce que j´ai adorée!
J’aimeAimé par 1 personne
Une découverte pour moi. Beau personnage que celui de Nora.
J’aimeAimé par 1 personne
Je lis bien trop peu de théâtre, peut-être l’occasion de changer quelques habitudes 😉
J’aimeJ’aime
Je compte bien changer ça et lui redonner un peu plus de place dans mes lectures.
J’aimeJ’aime
Bien envie de découvrir !
J’aimeJ’aime
Je te le souhaite !
J’aimeJ’aime
J’avais eu un peu de mal avec le traitement un peu caricatural des personnages… mais je n’avais pas regretté cette lecture, qui reste intéressante, replacée dans son contexte (les prises de position de l’auteur sont avant-gardistes, pour l’époque. Savais-tu que cette pièce est inscrite au Ptrimoine mondial de l’Unesco ?
J’aimeJ’aime
L’aspect caricatural est aussi une tradition théâtrale quelque part… Je te comprends toutefois et te rejoins sur la nécessité de lire cette pièce en la replaçant dans son contexte. A partir de ce moment-là, on peut lui reconnaître une certaine audace…
Quant au classement à l’UNESCO, tu me l’apprends !!
J’aimeJ’aime
Ton interprétation du rôle du docteur Rank m’intrigue et me parait en effet assez suggestive. Mais j’aurais aimé que tu en dises plus…
J’aimeAimé par 1 personne
Je vais essayer d’en dire un peu plus en restant évasive pour éviter de spoiler un peu trop. (Lecteurs trop curieux, attention s’abstenir…) En vrac :
Il a – à mon sens – un rôle pivot au milieu des binômes Kristine /Krogstad et Helmer / Nora et son évolution me paraît être intimement liée à celle de Nora. Il est à l’origine de beaucoup de moments-clés dans la pièce.
Il se libère d’abord par son aveu et provoque lentement la prise de conscience de Nora qui refusera quant à elle de se condamner dans sa prison dorée. Il me semble être comme une figure de « double masculin » de Nora, un double un peu fantomatique gravitant entre elle et son époux.
Les deux personnages sont chacun à leur manière condamnés et incarnent ensemble le dilemme tragique de l’œuvre. L’un endosse le costume tragique, ne pouvant échapper à son destin quand l’autre peut affirmer son choix et prendre véritablement son destin en main. Nora est une sorte d’écho positif, plus lumineux du personnage de Rank.
Alors que Rank accepte sa situation et se résigne (il n’a pas le choix me diras-tu), il s’offre un sursaut de vie lors du « bal ». Le même soir, Nora trouve sa petite carte de visite-révélation. Cet événement déclenche alors quelque chose en elle et provoque à mes yeux un véritable retournement de situation dans l’histoire. (Plus que le discours –angoissé-de-goujat -maladroit d’Helmer finalement…)
Tout au long de la pièce, ses actes, ses choix et ses propos font de lui un être qui très (in)consciemment tire dans l’ombre les ficelles vers le dénouement.
Je ne sais pas si je suis claire, je développe en vitesse et peut-être un peu confusément. Prends ce que tu voudras y prendre. ^^
J’aimeJ’aime
Je trouve ta lecture très intéressante.
J’aimeAimé par 1 personne
Merci Cleanthe…
J’aimeJ’aime
C’est un très beau souvenir de lecture que cette pièce. J’avais adoré la voir et ça m’avait tellement fait réfléchir à l’époque!
J’aimeAimé par 1 personne
Elle pose beaucoup de questions sur les grands choix qui gouvernent nos vies. Je suis contente de l’avoir lue.
J’aimeJ’aime
Hello Moka, c’est marrant car cette pièce fait partie des 3 au programme cette année avec mes élèves, du coup je travaille dessus toute l’année ! Elle est très intéressante et riche, si tu peux je te conseille vivement la mise en scène de Braunschweig qui montre bien l’évolution de Nora.
J’aimeAimé par 1 personne
Merci pour ce conseil. J’ai cru voir que la vidéo était en ligne je vais m’empresser de prolonger cette lecture avec le visionnage de la pièce.
J’aimeJ’aime
Superbe pièce, scandaleuse pour l’époque, avec un Ibsen toujours en avant. J’avais adoré la mise en scène de Braunschweig et j’aurais tant aimé voir celle de Thomas Ostermeier… mon préféré et pour ses mises en scènes déjantées ! (du coup je me permets de rebondir ici, j’espère que vous me pardonnerez ). Merci Mokamilla !
J’aimeAimé par 1 personne
J’ai de plus en plus de mal à lire du théâtre… Mais j’avais vu cette pièce il y a quelques années à Nanterre, avec Marina Foïs dans le rôle de Nora, et c’est un beau souvenir !
J’aimeAimé par 1 personne
J’avais étudié cette pièce avec un certain plaisir il y a quelques années. Je me souviens surtout que Nora mangeait des maccarons et aimait tisonner le feu, symbole de sa frustration sexuelle selon mon prof ^^
J’aimeJ’aime
J’ai beaucoup apprécié cette pièce, très moderne pour l’époque !
J’aimeAimé par 1 personne
Ibsen n’a pas encore croisé mon chemin de lectrice, pourtant j’aimerai beaucoup y trouver Nora… Et, je n’ai pas lu de pièces de théâtre depuis si longtemps…
J’aimeAimé par 1 personne