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Le Garçon – Maltus Malte

L’errance pour seule patrie, le mutisme pour seule voix, l’anonymat pour unique patronyme. Dès les premières pages, le personnage de Marcus Malte s’inscrit dans cette lignée de héros qui viennent à la rencontre des lecteurs pour les marquer, les inviter à les suivre ligne après ligne.

Il dit qu’il est toujours étonnant de découvrir sur quel immonde terreau s’épanouissent les fleurs les plus resplendissantes. Dans quels écrins ignobles se nichent les plus précieux joyaux.

Ce garçon porte en lui ce charisme fragile qui ne demande qu’à éclore, qui le rend à la fois mystérieux et fascinant. Il foule les chemins et les routes avec le plus curieux des bagages. Il croise des Hommes écorchés, à la marge, dans le Monde, aux creux d’une terre en sang, dans le confort et la douceur d’une demeure. Il s’accommode de ces rencontres et se construit auprès d’eux. Il apprend l’autre, l’abandon, l’amour, la douleur. Maltus Malte pose ainsi les jalons du parcours initiatique d’un héros qui ne possède rien, manque de tout mais qui finira par porter mille et une vies au creux de ses tripes.

Il faudra du temps. Encore du temps. Il faudra de la patience. Il faudra de la persévérance et de la douceur et de l’humilité. Il faudra un océan d’amour et une foi inébranlable en cet amour. Et cela n’y suffira pas. Jamais les choses ne redeviennent ce qu’elles ont été.
Je crois qu’il existe bien des manières de résumer ce roman, bien des angles à choisir pour chaque lecteur qui aura ce texte absolument fabuleux entre les mains. Au-delà de tout ce qui m’a plu dans ce livre, je l’ai je crois follement aimé parce que j’ai vécu cette lecture comme une véritable balade au cœur de la littérature. Les errances du garçon ne sont qu’un prétexte à mon sens. J’ai vu sous la plume de Malte un étourdissant hommage aux grands textes qui n’ont cessé de nourrir de siècle en siècle les étagères des amoureux des lettres: suivre un héros qui n’est pas sans rappeler ceux du XIXe, flirter avec l’Enfer de Dante ou de Barbusse, se perdre dans les énumérations rabelaisiennes, se prendre au jeu de l’érotisme flamboyant d’un roman libertin, saupoudrer le récit de la magnificence d’un roman du XVIIe, croiser une Emma, une Laure, un Gustave, miroirs détournés de leurs aînés littéraires, se laisser porter par la musique d’un Verlaine et j’en passe… Jusqu’aux dernières lignes, jusqu’aux derniers mots, un souffle rare d’une puissance romanesque qui vous cloue sans concession, vient mettre un point final à ce qu’on peut appeler incontestablement un chef d’œuvre, une orchestration magistrale.
Le siècle a douze ans, le garçon dix-huit. Il met sa main au feu. Cette main, celle-là même que la jeune femme apposa sur sa joue, un soir, au milieu des tombes. Aujourd’hui, la vie l’emporte. Entre temps, il y a eu un autre été et un automne et un hiver. Des saisons sans enfer. Pétales d’éphémérides.
Je risque de trouver bien fades les romans qui passeront entre mes mains après cette lecture. Je sais simplement que la lectrice que je suis aime véritablement l’idée qu’il y ait, aujourd’hui, des auteurs comme Marcus Malte, encore capables de nous livrer une œuvre de cette envergure.
Une lecture aussi marquante ne pouvait être partagée qu’avec Jérôme qui a eu la délicatesse de me prêter le bijou-pavé lorsqu’en tant que marraine des matchs de la rentrée littéraire, je pressentais qu’il y avait là de belles pages à tourner. Après notre coup de foudre pour Confiteor, le roman de Malte était le choix parfait pour tendre l’autre joue et se prendre une belle claque comme la littérature sait les donner.
Marcus Malte au milieu des livres: Aires

Le Garçon – Maltus Malte

Aux éditions Zulma

535 p – 23€50

Août 2016 – Rentrée littéraire

ISBN: 978-2-84304-760-2

Les chroniques de Pr Platypus, Hélène, Noukette, Asphodèle et Moglug.

 

59 réflexions au sujet de « Le Garçon – Maltus Malte »

  1. Quel magnifique billet ! tu écris vraiment très bien! comme je le disais sur le blog de Jérôme, c’est un livre qui, à la base, ne me tente pas du tout, mais Jérôme, Noukette et toi vous êtes si convaincants que c’est impossible de passer à côté.

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    1. Merci beaucoup Eva, ça me touche ce que tu dis là. Je crois qu’il faut tenter l’expérience. J’avais le même sentiment avec Confiteor et j’aurais pu ne jamais le lire. Quelle erreur j’aurais commise ici ! Je te souhaite de te laisser tenter… Et d’être conquise.

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    1. Tu as raison. Une chose est sûre: il faut prendre le temps de le lire. Je l’avais commencé en septembre, puis la rentrée est arrivée… J’ai lu 150 pages en pointillé. Et puis j’ai recommencé fin décembre et en trois jours il a été dévoré.

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  2. Ce fut aussi mon énorme coup de cœur / foudre de cette rentrée. Tu as raison, angles et facettes multiples en font un trésor que l’on peut emporter sur une île déserte en étant assuré qu’il livrera du nouveau à chaque lecture.

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  3. Je suis en train de le finir. C’est magnifique et c’est un grand livre. Tellement et qui me fait me questionner comme jamais sur la nature humaine. Je le savoure et j’aime ces petits paragraphe. Et quel auteur. Très bonne critique Moka, vraiment… Et merci à toi marraine…

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  4. Et moi j’aime beaucoup l’angle de ton billet, que tu rappelles toutes les références littéraires qui pullulent, qui dévalent au galop, comme Mazeppa… Et puis après ce livre quoi ? Heureusement, il y a eu Martin Eden (merci à toi) en ce qui me concerne mais le billet se fait attendre…;) ça va venir ! Jérôme a trouvé une nouvelle pépite très « forte », je vais m’y pencher dès que possible ! En attendant j’ai le dernier Haddad alors je ne vais pas pleurer ! 🙂

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  5. Hmm cette balade au coeur de la littérature que tu évoques ne peut que me convaincre qu’il s’agit du prochain roman que je vais entamer (après deux lectures en demi teintes, en plus, ça devrait me redonner goût au talent contemporain). Merci pour ce très beau billet !

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