Et mon coeur fait boum·Je lis des albums·Que jeunesse se fasse...

Nuage – Alice Brière-Haquet & Monica Marengo

Certains matins nous laissent dans la brume, la tête encore dans notre nuit, loin du tumulte de nos vies. Certains matins nous installent dans un brouillard de tristesse qui ne sait plus s’estomper au réveil. Pour elle, c’est un petit nuage, déposé là comme un chapeau de coton. Il s’invite insidieusement, faussant la vie, les repères, le doux, le mieux. Il se pose aussi sur la poitrine comme un chat un peu trop lourd qui s’endormirait trop longtemps sur vous. Il ne vous quitte plus, comme un ami sans gêne, trop encombrant, mais auquel on finit par laisser une place, auquel on s’habitue.

Son ombre se pose même sur les plus jolies choses.

La tête en friche, le cœur en berne, la vie entre parenthèses. Nuage raconte en quelques pages, avec la simplicité des petits bijoux, la place que la douleur se fait dans nos vies. Elle se fraie un chemin dans les petites fissures qui n’attendent qu’elle et s’offre ses quartiers d’hiver pour empêcher le beau de trouver sa voie. Nuage murmure la peine, les jours sans, l’absence d’envies.

Alors il se peut, qu’une goutte ou deux se glissent dans nos yeux.

Mais cet album va bien au-delà. Si Alice Brière-Haquet dépeint en poésie et en douceur le mal fourbe et taquin, la métaphore est de mise pour que chacun dépose un visage, un souvenir, un nom sur ce qui blesse: l’absent, l’ailleurs, le moins, le trop, la déception, le manque, la nostalgie, le regret, le jamais. S’il touche par sa justesse imagée, il ne se condamne pas à rester un écrin de tristesse. Au contraire. Il enrobe le lecteur d’une délicate mélancolie et lui dit que l’après n’est pas si loin, à condition de savoir le trouver.

© Monica Barengo

Chaque page couleur sépia nous dépeint une héroïne aux accents d’albatros baudelairien, un peu trop grande, un peu trop gauche, un peu trop à l’étroit dans une maison au vieux papier peint fleuri. Drapée de solitude et de boules de poils, elle nous berce dans le silence d’un violon étouffé de souvenirs tus, elle erre entre ses murs qui nous feraient presque oublier que quelques fenêtres restent ouvertes sur des lendemains plus lumineux et solaires. Souvent, les dessins et les gros plans dépassent le carcan formel de la page. Les marges disparaissent, le personnage échappe aux cadres et Monica Barengo suggère bien des ailleurs au-delà des feuilles que l’on tourne.

Les cocons de douleur sont les plus difficiles à quitter. Il faut savoir guetter les bons matins pour saisir l’occasion de souffler à pleins poumons sur les nuages.

On voudrait l’ignorer, se contenter de passer…

Il me fallait commencer l’année par cet album – un poil symbolique – qui m’a totalement retournée en peu de mots. Dénichée à Montreuil sur le stand discret de la petite maison d’édition Passe Partout, j’avais au creux de mon sac un précieux titre déjà lu et relu depuis la rédaction de cette première chronique de l’année. Une merveille qui m’est chère à bien des égards et qui résonnera de mille manières en chaque lecteur.

Les sites de l’auteur et de l’illustratrice. (Avec une Frida qui me plaît beaucoup… )

Nuage – Alice Brière-Haquet & Monica Marengo

Éditions Passe-Partout

ISBN:978-88-67450-61-9

Novembre 2016

16€ / 32 pages

Dès 6 ans. (Mais comme il parlera aux « Grands »)

Je lis des albums – 1

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