Au FLOP !·L'Art du Roman·Rentrée littéraire

Comment tu parles de ton père – Joann Sfar

Si l’on souhaite se convaincre de l’absence révoltante de Dieu, c’est dans les yeux effrayés d’un père qu’il faudrait glaner des arguments.

Dans les yeux de son fils, il est un homme admiré, parfois craint, parfois incompris. Dans le regard de l’enfant, il est un homme distant, maladroit, séducteur devant l’Éternel. Dans le regard de l’adulte, il est un homme qu’on accompagne jusqu’à son dernier souffle. Quoi de plus complexe que de faire face au jour tant redouté de la mort d’un parent?

Il existe de nombreuses manières d’apprendre à faire son deuil. Certains pleurent, jusqu’à épuisement des larmes, d’autres vomissent leur tristesse quand certains la digèrent en silence. Certains consultent un psy, d’autres se confient à leurs proches, se soutiennent. Joann Sfar aurait pu dessiner, mais c’est un livre qui va naître de ce cheminement vers l’adieu.

Ce jour-là, il m’a donné la parole, j’ai cessé d’être un chat domestique, j’ai su où j’étais. Et le visage de mon grand-père à cet instant-là, je m’en souviens pour toujours. On l’aime un siècle après sa mort, l’homme qui vous dit vrai. Et celui qui par amour vous cache un morceau du monde, je veux dire papa, on l’aime tout autant, mais on met quarante ans à comprendre combien il avait peur, et combien c’est lui qui redoutait les mots.

J’avoue qu’entre Sfar et moi, les choses ont assez mal commencé. Ma dernière déconvenue remonte à son album Tu n’as rien à craindre de moi qui m’a bercée d’ennui non sans un certain agacement. A cette époque, Comment tu parles de ton père m’attendait déjà et je refusais pertinemment d’en rester là avec l’auteur du Chat du rabbin. Lors de récentes interviews pour assurer la promotion de son livre -notamment suite à son passage dans La Grande Librairie – j’ai souvent apprécié le ton et le discours de Joann Sfar et me voyais d’autant plus désolée de ne pas adhérer à son travail.

C’est toi que j’aurais dû prendre dans mes bras, cher papa. J’avais les bras trop petits.

Assurément, ce livre à la fois très intimiste et universel ne peut laisser totalement indifférent. Les pages de Sfar racontent ses absents (et inévitablement les nôtres), et disent beaucoup l’amour, entre crainte et admiration, que ce fils porte à cet homme parfois loin de l’image du père idéal. Toutefois, sans me l’expliquer réellement, j’ai le sentiment – pour ne pas dire la certitude – que ce livre m’échappera vite. Durant ce récit qui manque d’unité, qui s’éparpille et nous égare sous une plume diffuse, Sfar m’a finalement vite lassée au fil de ses  histoires familiales qui ressemblent plus à un petit carnet d’anecdotes qui oscillent entre pointes humoristiques et amère tristesse… Certes, la figure paternelle occupe une place importante mais elle semble prétexte à recentrer le récit sur sa propre personne – qui semble essentiellement se limiter à son sexe et son nombril – en insufflant dans ses réflexions omniprésentes sur la religion la légèreté qui sait aussi ponctuer des passages plus pesants au cœur même de ce récit autobiographique.

Rien n’y fait, je crois que plus je lis Sfar, plus j’en viens à la conclusion que je préfère mille fois l’écouter, le trouvant souvent plus passionnant à la radio que derrière une plume qui, malgré quelques très belles phrases, ne parvient pas à trouver grâce à mes yeux. Ma curiosité a toutefois été assouvie et cette lecture aura au moins le mérite de me conforter dans l’idée que ses pages ne sont vraisemblablement pas faites pour moi…

Comment tu parles de ton père – Joann Sfar

Albin Michel

152 pages / 15 €

ISBN:978-2-226-32977-6

Rentrée littéraire 2016

Août 2016

Rentrée littéraire 2016 3% Touche à tout 9/18
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36 réflexions au sujet de « Comment tu parles de ton père – Joann Sfar »

  1. Moi g bcp aimé ! Mais entre Sfar et moi héhéhé ça se passe bcp mieux (enfin surtout pour moi :-p ) …. Il y a encore des tas de merveilles de Sfar à découvrir, surtout, surtout, il faut lire le Chat, si !
    Bisous copine ❤

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    1. Je te sais un peu amoureuse de l’œuvre du monsieur. Ce n’est pas faute d’essayer, ça ne passe passe pas.
      Le Chat est sur ma PAL. On me l’a prêté. Je fais une petite pause et je ferai une ultime tentative…

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  2. J’aime beaucoup Joann Sfar mais je n’ai pas accroché à ce livre – je comprends pourquoi il l’a écrit, et les thèmes qu’il traite m’intéressent, mais ce côté anecdotique, ces redondances, et surtout cet humour forcé souvent à la limite du vulgaire ont fini par me lasser

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    1. Tu mets en effet en avant les écueils de ce livre… C’est dommage que l’hommage pour son père, qui aurait pu être très beau, n’ait pas la force espérée, ou ne retentisse pas plus fort en nous.

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  3. Je l’avais mis dans ma wishlist Albin Michel de la rentrée littéraire (oui oui, j’ai une wishlist Albin Michel, faut dire que presque toutes leurs parutions de la rentrée littéraire me donnaient envie donc le choix a été difficile), mais au moins grâce à toi je ne regrette pas d’avoir choisi deux autres livres à la place de celui-là !
    Et c’est quoi cette histoire de challenge ? Dis-moi tout !

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  4. Je me situe entre Françoise et toi: j’ai adoré l’humour et la tendresse mais pas du tout aimé l’aigreur et les règlements de compte de la fin.

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  5. Miss Framboise m’a déjà parlé de ce bouquin. Mais je ne sais pas, je suis dubitative et finalement pas si curieuse que voir par moi-même comment il est fait. Ton avis comporte quelques une des appréhensions que je pouvais avoir et notamment d’un récit qui se perd… Je ne suis pas certaine de le lire

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    1. Je ne rejette pas les épanchements personnels dans la mesure où ils me parlent. Je crois que là, peu de choses sont venues titiller ma sensibilité. C’est dommage. Ravie toutefois qu’il trouve son public…

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