Et mon coeur fait boum·Neuvième art

Macaroni – Thomas Campi & Vincent Zabus

Non, décidément, rien n’y fera,  Roméo refuse pertinemment de passer quelques jours chez son grand-père. « Il est chiant, il pue » et ce jeune garçon d’onze ans peine à trouver l’intérêt d’être enfermé dans une petite maison aux confins de la Belgique où l’ennui règne du salon au papier fleuri jusqu’aux herbes qui vivotent entre les plans de carottes. Face à son père, il capitule et se retrouve contraint de cohabiter avec cet homme dont il connaît finalement peu de choses. Sans surprise, le quotidien qui s’annonce n’a rien de très enthousiasmant. Toutefois, des mains pleines de sillons apprennent à des mains lisses et douces le travail de la terre, le goût de la fatigue et de l’effort. Parfois, au milieu de cette transmission entre générations, le vieil homme s’accorde une pause salvatrice. Ses poumons fatigués par son passé de mineur ont l’âge des adieux et c’est un homme affaibli qui apprivoise sans le savoir un enfant qui a encore la vie devant lui. Ou peut-être est-ce l’inverse finalement…

Cachée dans le jardin voisin, une demoiselle observe avec curiosité ce nouveau visage et voit en ce nouvel arrivant l’occasion d’enfin trouver un complice dans ce village trop silencieux et vieillissant. Elle sera, aussi, l’alliée idéale pour glisser à l’oreille de Roméo quelques conseils pour gratter la carapace du vieux grognon qui a toujours résisté aux vaines tentatives de dialogue.

Il faut enlever des grains pour que les autres puissent grossir.

Muré dans sa solitude et son silence, ce grand-père singulier a choisi le clan des taiseux pour mieux laisser s’éteindre les fantômes qui le hantent. Mais parfois, l’ombre des absents est plus forte. Les voix du passé et des morts imposent leur présence fracassante. C’est au cœur d’une narration fluide et délicate imprégnée d’une douce drôlerie orchestrée par Vincent Zabus que s’impose le pinceau nostalgique de Thomas Campi. Des briques rougies s’évadent les spectres douloureux du temps qu’on ne rattrape plus. Des pièces closes émergent les tourbillons de souvenirs étourdissants. Des tiroirs entrouverts se glissent des voix qui s’estompent jusqu’à l’oubli. Deux époques, deux mondes, deux vies se superposent et mettent des images sur les silences du vieil homme. Tour à tour, les cases d’une beauté touchante se succèdent et le regard du lecteur se laisse gagner par les couleurs chaudes et l’apparente douceur de vivre.

Doucement, la parole se libère. Il est temps pour Roméo, de partir à la rencontre de son grand-père, de découvrir ce colosse riche d’histoires, de regrets, de luttes et de secrets. Entre ces deux hommes que deux générations séparent, trois portraits d’hommes s’ancrent dans les cases. Un grand-père retrouvé, un père en perdition, un fils en construction. Un trio ô combien touchant, criant d’humanité et de tendresse.

J’étais tombée sous le charme de l’album Les Petites gens signé par ce même duo et autant dire que ce nouveau titre est un incontestable coup de cœur.

La chronique d’Yvan.

Du même scénariste: Les Ombres.

3e mercredi Chez Stephie
3e mercredi Chez Stephie

Macaroni – Thomas Campi &Vincent Zabus

Dupuis – Avril 2016

One shot

144 pages / 24€

ISBN: 978-2-8001-6360-4

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En lice pour le  PRIX BD des COLLÉGIENS SAMARIENS

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58 réflexions au sujet de « Macaroni – Thomas Campi & Vincent Zabus »

  1. Je regarde régulièrement les illustrations que Thomas Campi met en ligne sur sa page FB, c’est toujours superbe. Il semble travailler les ambiances comme personne. Je suis tentée par cet album. J’essayerai de me le procurer

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  2. Je ne comprends pas pourquoi je ne l’ai toujours pas acheté, cette BD (sans doute parce que rationalise en ce moment ^^)! Évidemment, elle m’intéresse énormément, d’autant plus qu’il s’agit de « ma » région et que toutes ces anecdotes me parlent beaucoup! C’est un bon rappel, merci Moka 😀

    Aimé par 2 personnes

    1. J’ai trouvé au cœur de ces pages une très belle histoire de famille. Et puis, étant allée visiter le site de Fourmies et de Lewarde avec mes trolls, j’ai trouvé de jolies pages à exploiter avec eux en classe. Je pense qu’ils vont beaucoup entendre parler de cette BD.

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  3. Je croyais que j’avais commenté cet album! Soit. Je viens de la lire et comme pour toi, ça a été un coup de coeur! J’ai revu mon grand-père (lui aussi italien, lui aussi a quitté sa belle Italie pour une région en Belgique, lui aussi est descendu dans la mine)…j’ai encore des frissons rien qu’à y repenser!

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