Et mon coeur fait boum·Que jeunesse se fasse...

Songe à la douceur – Clémentine Beauvais

Songe à la douceur, d’un visage familier retrouvé par hasard. Songe à la douceur de retrouvailles timides et fébriles, d’envies renaissantes, de complicités qui rejaillissent, de regards qui ne trompent pas, de la beauté du passé qui dit qu’il n’est pas aussi loin qu’on voudrait bien le croire…

Songe à la douleur, d’une histoire d’amour avortée, d’un destin tragique enrobé de silence et de non-dits, de jalousies injustifiées qui picorent le corps et l’esprit. Songe à la douleur d’un possible départ, d’une attente insoutenable, de réponses en suspens…

Il vit métaphoriquement. Il ne se préoccupe jamais

des choses, il ose

la transcendance,

l’amour fou

la création, le drame, le lyrisme.

Il vit d’optimisme et d’excès.

Eugène – Lensky – Olga – Tatiana. Un quatuor littéraire d’un autre temps, d’une autre époque, d’une contrée lointaine. Quatre noms qui résonnent avec une autre de mes lectures estivales.

Eugène – Lensky – Olga – Tatiana. Un quatuor adolescent qui renaît entre deux époques sous la plume de Clémentine Beauvais qui a souhaité donner une autre vie aux héros pouchkiniens. Il suffira d’une rencontre fortuite dans le métro parisien pour que se scellent les retrouvailles d’Eugène et Tatiana. Ils devront inévitablement dépasser le spectre de leur adolescence tout en apprenant à découvrir les adultes qu’ils sont devenus. Pas si simple qu’il n’y paraît…

Lorsque j’évoquais Pouchkine et son oeuvre Eugène Onéguine lors d’une chronique estivale, je disais de ce roman versifié qu’il était au carrefour des genres. Ici, Clémentine Beauvais se place avec finesse au carrefour du verbe: mots d’ados, langue ciselée, de l’oral trivial à l’écrit épuré et diablement beau, la voilà qui exploite brillamment tout le raffinement que la langue offre, semant parfois quelques clins d’œil littéraires. Un peu de Camus ici (Il faut imaginer Lensky heureux), un peu de Baudelaire  par-là, une phrase qui l’air de rien contredit un peu le célèbre On n’est pas sérieux quand on a 17 ans de Rimbaud… Dans cet hommage modernisé à Pouchkine, l’auteur tire quelques fils pour tisser une autre histoire qui résonne, fait écho à ce si beau récit russe qui chante la complexité des amours à contretemps.

Il a le mal d’un siècle qui n’est pas le sien:

Il se sent l’héritier amer d’un spleen ancien.

Tout est objet d’ennui pour cet inconsolable –

Ou de tristesse extrême, atroce, épouvantable.

Il a tout essayé, et tout lui a déplu.

Il a fumé, couché, dansé, mangé et bu,

Lu, couru, voyagé, peint, joué et écrit:

Rien ne réveille en lui de plaisir endormi.

La contrainte versifiée implique une réelle prise de risque pour s’adresser à un lectorat d’adolescents. Voilà un écrivain qui n’a pas froid aux yeux et rien que cette démarche force le respect et a le mérite d’éveiller la curiosité. Ce choix offre évidemment un rythme singulier au récit et montre aussi que la poésie a aussi le pouvoir de raconter de mille manières. Une belle façon de rappeler que le genre romanesque n’a pas le monopole des belles histoires.

Vers libre, prose poétique, calligramme, italiques, parenthèses, dialogues théâtraux, fantaisies typographiques: de multiples formes  finement travaillées qui servent à merveille ce récit amoureux où bien des voix se croisent.

Il fallait être à la hauteur de ce pari osé, il fallait s’aventurer sur ces pages blanches ambitieuses. Challenge hautement remporté par l’auteur de Les Petites reines et de Comme des images, qui se montre une fois de plus diablement talentueuse. Une bouffée de nouveauté et d’audace qui fait du bien à la littérature et qui la taquine en lui donnant une dimension inattendue.

Songe-a-la-douceur_p56-57

Une lecture que je partage une nouvelle fois avec  Noukette et Jérôme. (Que voulez-vous, quand on aime…)

Le blog de l’auteur.

Songe à la douceur Clémentine Beauvais

Sarbacane – Exprim’

Août 2016

240 p / 15.50€

challenge12016br
Rentrée littéraire 2016 3% Touche à tout 2/18

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40 réflexions au sujet de « Songe à la douceur – Clémentine Beauvais »

  1. Un titre inattendu et d’autant plus précieux qu’il bouscule joliment nos habitudes de lecture. Du talent à l’état pur, oui, et encore une bien belle lecture partagée pour le coup d’envoi de cette autre rentrée ❤

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  2. C’est beau, inattendu, cela parle au coeur…je ne vais pas attendre que ma fille devienne une ado pour avoir ce livre à la maison : ce sera tout de suite, et pour moi !
    Merci pour ton beau billet

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