Premières lignes·Que jeunesse se fasse...

Premières lignes #7

Le Sud m’avait tout pris: ma mère, mon père et mes rêves de petite fille. Je m’étais juré de ne jamais y retourner. De ne jamais plus respirer l’air du Delta qui vous serre la gorge comme les serpents étouffent leurs proies dans ses marais. De ne jamais plus poser le pied sur les terres boueuses des rives de son fleuve. J’étais née dans le Sud, j’y avais grandi et j’avais tout perdu dans cet enfer où on volait la vie des hommes pour les changer en bêtes. Seulement, voilà: assise dans mon compartiment, sur un siège confortable, entraînée par une locomotive qui sifflait comme un vieil harmonica malade, je laissais ce chemin de fer m’y reconduire sans vraiment protester.

Par la fenêtre s’étalait sous mon nez la vallée du Mississippi. Vaste. Verte. Elle n’était pas vilaine cette vallée. Les hauts arbres de ses forêts où nichaient des milliers d’oiseaux la rendaient presque réconfortante quand on venait de la ville. Et ses champs, ses champs si grands, on s’y voyait courir, le parfum de leurs fleurs nous faisait tourner la tête. Mais si on tendait l’oreille, au plus près de ces champs, on entendait monter une drôle de voix, par-dessus les forêts, plus haut que les nuages. La voix de ceux qui ont sculpté le Delta. La voix de ces hommes, et de ces femmes qu’on disait libres et qui travaillaient pourtant comme des chiens, là où leurs ancêtres avaient déjà creusé leur tombe en raclant contre la terre les chaînes qui leur rongeaient les pieds. Ces voix ne gémissaient pas, ces voix chantaient. Des chansons où les chevaux s’évadent, où les lapins échappent aux renards, où les corbeaux sont plumés, et où les femmes finissent par s’en aller.

Voilà vers quoi je retournais, six ans plus tard, installée dans ce compartiment comme une princesse dans son carrosse.

Premières lignes
Premières lignes – Chez Ma Lecturothèque

Pas de grand classique cette fois pour ces premières lignes dominicales, mais un roman jeunesse commencé hier soir qui je crois promet vraiment de très belles pages. Bluebird de Tristan Koëgel a déjà en lui tout ce qui me plaît dans la littérature jeunesse. Une histoire également vivement conseillée par ma libraire préférée et mademoiselle ma petite sœur. Deux raisons largement suffisantes pour m’y plonger enfin, sur un petit fond de blues, histoire de faire convenablement les choses. Chronique à venir les Kids…

Mes autres premières lignes #1 #2 #3 #4 #5 #6

Les autres premières lignes : George, Ma Lecturothèque, Nadège, Moglug.

Bluebird de Tristan Koëgel

Didier jeunesse

315 pages – 14.20€

Septembre 2015

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29 réflexions au sujet de « Premières lignes #7 »

  1. oh oui, ça fleure très bon ces 1ers mots ! Voilà qui pourrait drôlement me plaire aussi… Attends ton billet avec impatience …
    Bisous divine demoiselle et un très joli dimanche à toi ❤

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