Et mon coeur fait boum·Neuvième art

La Tristesse de l’éléphant – Nicolas Antona & Nina Jacqmin

La vie c’est des étapes.

Il grandit dans un orphelinat et son corps potelé lui vaut d’être le bouc émissaire de ses camarades. Il faut dire qu’à l’âge où les silhouettes s’affinent, Louis a une carrure massive qui lui vaut le blessant sobriquet d’éléphant… Dans les douches, l’eau se mêle à l’urine et les humiliations deviennent à chaque fois plus pesantes. Il s’offre alors clandestinement un peu de répit et trouve sa sérénité à quelques pas de là. Quand les lumières du pensionnat s’éteignent, les projecteurs du cirque annoncent l’ouverture du bal des artistes. Sous le grand chapiteau, certains se contorsionnent ou jouent les funambules quand d’autres ont pour mission de provoquer les rires de la foule. Louis revit à l’heure où le sommeil devrait l’emporter. De l’évasion en musique, des pupilles fascinées. Mais ce n’est rien à côté de la bouffée de bonheur qu’il va prendre à pleins poumons lorsqu’il va apercevoir le joli minois de Clara.

La plus douce, c’est l’amour…

La timidité a beau s’inviter dans la première rencontre, une amitié sensible et douce se tisse entre eux. Louis peine à comprendre comment la belle enfant peut le trouver suffisamment intéressant pour passer son temps auprès de lui. Qu’importe les raisons, ces deux-là ont su se trouver. Il faut toutefois se méfier du bonheur qui prend ses quartiers d’été dans les cœurs fragiles. La douloureuse nouvelle tombe comme un couperet : le cirque doit quitter la ville et poursuivre sa route vers l’Est. La jolie blonde sera de retour dans sept longs mois. Une promesse enfantine se scelle sur deux petits bouts de papier, gage de leur amour naissant…

La plus dure, c’est la séparation.

La plus pénible, c’est les adieux.

Ainsi passent les années. Des retrouvailles, des adieux. Et une répétition en guise de petite routine. Des vies qui suivent leurs routes mais deux êtres qui se tiennent à leurs engagements de jeunesse. Une fois leur enfance derrière eux, l’heure des choix qui déterminent une vie arrive à grands coups de tic tac. L’âge adulte ne les éloignera plus. Ils font le choix de vieillir ensemble.

La plus belle, c’est les retrouvailles.

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On aurait évidemment aimé que l’histoire s’arrête ici et qu’elle n’ait pas le temps de laisser la moindre chance à de fourbes petits grains de sable de venir s’inviter dans cette si belle histoire d’amour. Il n’en est rien. Le titre de l’album ne porte hélas que trop bien son nom. Si l’arrivée dans le monde des adultes a le goût illusoire de la liberté, la vie va se charger de leur rappeler que l’existence peut-être malmenée à souhait et que la tristesse peut se nicher insidieusement là où tout n’est que joie…

Dès le premier coup d’œil sur la couverture, La Tristesse de l’éléphant avait tout d’une belle promesse. J’ai découvert au fil des pages un univers graphique étonnant, d’une richesse épatante: un trait noir tout en nuance, rond et charmant rehaussé de touches rouges et bleues. Chemises rayées, robes à pois, petites formes géométriques: autant de petits détails qui réveillent les teintes sombres et qui créent quelque chose de très esthétique et harmonieux. Des visages des personnages à leurs tenues, du grand chapiteau au petit appartement, notre regard se fond dans l’univers de la talentueuse Nina Jacqmin qui m’a parfois rappelé le merveilleux Alabama Monroe de Felix van Groeningen. (La mère de l’héroïne a, entre autres, quelque chose du personnage d’Elise.) Une demoiselle qui en a sous le crayon et qui a assurément encore de très belles planches à offrir à ses lecteurs.

En somme, cet album entre dans mes coups de cœur et autant dire que le duo Nicolas Antona et Nina Jacqmin fonctionne à merveille. Quand l’un trace sous sa plume une très belle histoire d’amour, l’autre donne vie à ses personnages avec une grâce incroyable, le tout renforcé par un travail de découpage très subtil. De jolies pages d’amour qui filent et disent la vie dans tous ses rebondissements… Une histoire qui raconte les cœurs qui battent dans ce qu’il y a de plus doux et plus douloureux.

Le boum du Carré Jaune.

La Tristesse de l’éléphantNicolas Antona & Nina Jacqmin

Les Enfants rouges

Janvier 2016

78 pages / 17 €

ISBN: 978 2354190828

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46 réflexions au sujet de « La Tristesse de l’éléphant – Nicolas Antona & Nina Jacqmin »

  1. Il faut absolument que je me le procure ce titre ! Cela semble être d’une délicatesse et d’une justesse impressionnantes. Une belle invitation au voyage en tout cas ! Merci pour cet article 😉

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