Martin Eden, demain matin, à la première heure, tu iras à la bibliothèque populaire et tu t’instruiras sur les bonnes manières. Compris? […] Puis il s’endormit, et fit des rêves qui par leur folie et leur audace rivalisaient avec ceux des mangeurs de haschich.
Sa vie a le goût des voyages et des aventures qui forgent les esprits loin des salles de classe trop petites et des bibliothèques trop grandes. Son univers est fait d’ailleurs et d’une multitude de corps et de visages. Il ne connaît que trop la rudesse du monde et la solitude des hommes qui s’éloignent souvent.
Sa vie est celle d’une jeune fille rangée. Issue d’une famille aisée, elle rayonne de beauté, se passionne pour les Arts et les Lettres et vit dans une cage dorée entourée d’étagères remplies de ces histoires qu’elle étudie avec un sérieux et une rigueur exemplaires. Elle ne connaît pas le manque, et encore moins le besoin.
Les livres avaient raison: de telles femmes existaient – et elle en était une.
Un jour, inévitablement, Martin Eden rencontre Ruth et quelques instants suffiront pour que naisse en lui l’envie dévorante de séduire cette femme. Toutefois, Martin a bien conscience de tout ce qui les sépare et souhaite se présenter à elle sous son meilleur jour. Comme un morceau d’argile que l’artiste façonne avec patience et ferveur, il va se nourrir de mots, de littérature et d’ouvrages lui ouvrant les portes d’un milieu aux antipodes de sa condition. Derrière l’envie de plaire, l’ambition de sortir de son rang pour être à l’image des hommes du monde fait lentement son chemin. Baignant dans les pages et les lignes des grands écrivains, il convoite secrètement le statut si mystérieux d’homme de lettres, diablement convaincu qu’il n’est pas qu’un littérateur de second ordre et qu’une plume talentueuse sommeille en lui.
Imbécile ! criait-il à son image dans le miroir. Tu voulais écrire, tu essayais d’écrire. Qu’est-ce que tu avais donc dans le ventre ? Quelques notions enfantines, quelques sentiments encore imprécis, beaucoup de beauté mal digérée, une énorme ignorance, un cœur plein d’amour à en éclater, une ambition aussi grande que ton amour, que ton ignorance. Et tu voulais écrire ! mais tu commences seulement à acquérir en toi ce qu’il faut pour ça ! Tu voulais créer de la beauté ! et tu ne savais rien de ce qui fait la beauté ! Tu voulais parler de la vie, et tu ignorais tout ce qui fait l’essence même de la vie ! Tu voulais parler de l’univers et des problèmes de l’existence, quand l’univers n’était pour toi qu’un rébus chinois ! Mais courage, Martin, mon vieux ! Il y a de l’espoir, cette fois, bien que tu sois encore très ignorant. Un beau jour, avec de la chance, tu sauras à peu près tout ce qu’on peut savoir. Ce jour-là, tu écriras.
Pétri d’ambition, transcendé par son amour des mots et son envie vorace de réussir, Martin Eden devient l’incarnation d’une persévérance époustouflante. Il n’est plus question de son éducation sentimentale puisque son seul désir ne se verra assouvi qu’à travers l’écriture, l’entraînant aveuglément dans une course folle vers la (re)connaissance. Tout son être se trouve affecté par ce travail acharné, espérant de toutes ses forces qu’il finira par être publié. Cette acculturation ne se fera pas sans excès et dérives, se voyant parfois entravée par la violente confrontation des fantômes de sa désillusion et des démons dévastateurs de l’homme qu’il est devenu.
Seulement, voilà le malheur… Vous paierez la rançon de cette belle force. […] A cause… A cause des femmes. Elles vous tourmenteront jusqu’à la mort, comme elles vous ont déjà tourmenté. Il est certain que vous en êtes à votre premier béguin, mais, pour l’amour de la Beauté, choisissez mieux la prochaine fois ! Mais bon Dieu ! Qu’est-ce que vous allez faire d’une petite bourgeoise? Laissez tomber. Choisissez une belle créature de flamme et de volupté, qui rit de la vie , se moque de la mort, amoureuse de l’amour. Elle vous aimera autant que n’importe lequel de ces misérables produits des serres chaudes de la bourgeoisie. – Brissenden
L’histoire de Martin Eden est de celles qui vous happent sans crier gare. Jack London place en son protagoniste bien des réflexions concernant la construction de l’écrivain, le rapport aux livres, à l’éducation et à la culture.
Qu’est-ce que la « bonne » culture ? Quelles portes vous ouvre-t-elle ? Que fait-elle de vous? De nous? Comment portons-nous ce bagage qui s’alourdit sans cesse et qui nous accompagne jusqu’à notre dernier souffle?
La beauté vous hante. Elle est en vous comme une douleur qui ronge, comme une plaie qui ne peut pas guérir, comme une lame de flamme. Lisez les revues pendant dix siècles, vous n’y trouverez pas une seule ligne valant un seul mot de Keats. Laissez de côté la gloire et la fortune, signez un engagement sur un bateau demain et retournez à votre mer.
J’ai lu grâce à Martin Eden de merveilleuses pages sur l’acte d’écriture, de très belles lignes sur la lecture et j’y ai trouvé bien des échos aux questionnements qui traversent ceux qui décident un jour de prendre la plume et de se confronter à la page encore vierge de leurs mots. Ce roman d’éducation, un peu en-dehors des sentiers battus des classiques du genre, montre que Jack London ne saurait être enfermé dans le carcan réducteur de l’écrivain de récits d’aventures…
Ce livre entre ainsi dans le cercle très restreint des titres qui me sont très précieux. Je ne compte plus les pages griffonnées, annotées que j’ai lues et relues tant elles m’ont marquées et je pourrais vous en parler encore des heures tant cette lecture a tout d’un coup de foudre littéraire. Une merveille à lire et offrir. (Et je sais que depuis quelques semaines, ce livre a trouvé sa place sur bien des étagères de lectrices de qualité qui ont su être réceptives à mon enthousiasme débordant.)
Une lecture qui signe ma 4e participation au Challenge des classiques chez Professeur Platypus. Un article qui arrive sur le fil, à quelques heures d’avril, mais qui me permet de tenir le rythme et de garder le cap pour ce délicieux défi littéraire.
Le billet de Mior et celui de Lili.
Martin Eden – Jack London
Éditions 10-18
478 pages / 7,5€
ISBN : 978 2 264 02484 8
Un roman que j’ai adoré et dont je me souviens encore (je n’ai aucun mérite, je l’ai lu et relu très souvent) . Ton billet me l’a remis en mémoire. Un grand merci.
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Je crois que c’est un titre qui se relit avec le même plaisir à chaque fois… Ravie que nous partagions ce coup de coeur.
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J’ai adoré ta chronique ! Et du coup, « Martin Eden » rejoint le haut de ma wishlist 🙂
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Il est dans ma PAl depuis… Ton enthousiasme me donne envie de l’en extraire !
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Ta critique me donne sacrément envie de découvrir ce livre et en même temps de découvrir Jack London… Superbe ta critique… Voilà un sujet qui m’intéresse : « Jack London place en son protagoniste bien des réflexions concernant la construction de l’écrivain, le rapport aux livres, à l’éducation et à la culture. »
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Si tu es partant, ça me ferait vraiment plaisir de te l’offrir.
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Je suis très touché… Merci. Il faudra que tu m’écrives une petite dédicace à l’intérieur du livre… Merci beaucoup. J’écrirai une critique du livre même si elle ne risque pas d’être aussi belle que la tienne. Où puis-je t’envoyer mon adresse ? Merci encore, je reste sans mots…
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Je vois que nous avons tous les deux les mêmes exigences en matière de livre offert. J’ai toujours besoin/envie que la personne qui me l’offre y laisse un petit mot. Je le ferai donc sois-en assuré.Pour ton adresse, tu peux me la transmettre via mon mail présent dans l’onglet About me => Celle que je suis. 🙂
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Voilà qui est fait ! Merci. 🙂
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Mail reçu. Je te réponds vite. 😉
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J’ai déjà lu pas mal de choses sur ce roman, toujours très positives, et à chaque fois je me dis qu’il faut vraiment que je le lise! ^^
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C’est véritablement un coup de coeur !
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Voilà qui a l’air d’un roman fort riche. Et puis je crois que je n’ai jamais lu London (honte à moi….)
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Il y a tant de classiques que je n’ai pas encore lus… (Si ça peut estomper ta honte.)
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J’ai détesté l’Appel de la forêt et Croc-Blanc… mais là, si ça parle de la construction de l’écrivain, ça pourrait me plaire…
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Je déteste les récits animaliers et ne garde pas un souvenir impérissable de L’Appel de la forêt. Je peux me tromper mais je pense que les grandes problématiques de ce roman te parleront énormément. Il serait vraiment surprenant que tu n’accroches pas.
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Ok… message reçu madame… Je trouverai du temps pour ce coup de foudre littéraire à côté duquel je ne peux décidément pas passer…!
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D’ici là, un autre rdv autour de Martin Eden nous attend grâce à Chouchou.
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Souvenirs d’une lecture de lycée… L’adaptation en BD m’y a replongé il y a peu.
Ton billet est superbe, il rend bien compte de l’émotion qu’a fait naître en toi ce roman splendide.
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Merci. ❤
Je me demandais si tu avais lu le roman avant de chroniquer la BD.
Grâce à toi, je vais prolonger cette lecture magnifique. (Merci bis)
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Bravo, quel bel article ! Il FAUT que je trouve un moment pour le lire. Tu me donnes envie de retourner vers des livres classiques, que j’ai tendance à délaisser par manque de temps. Allez, je vais faire un effort parce que quand je lis les émotions qu’ils peuvent procurer…merci !
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Ma vraie contrainte reste le temps. Quand je lis un grand classique, je me lance rarement pour quelques pages et m’accorde peu de pauses. Du coup, je suis vite coincée et limitée par mon emploi du temps… Ce petit challenge me « force » à nourrir cette culture classique qui gagne à être enrichie. En tout cas, j’espère que tu suivras ton envie de retourner vers les classiques un peu plus régulièrement. En ce moment, je suis plongée avec plaisir dans un Zola. C’est tellement bien !
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De mon côté, c’est un coup de foudre pour ton billet 🙂 Je le note, et essaierai de le trouver tout à l’heure, j’ai du shopping à faire!!
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Je note ton avis donne irrémédiablement envie de s’y plonger =) !
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Je veux absolument partagé ce coup de foudre, ton billet est superbe, je note pour le trouver dès ce week end
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Ha la voilà cette chronique ! Et elle est magnifique, à la hauteur de ton coup de foudre ! J’ai un vague souvenir de Croc-Blanc, très flouté mais aucun de Martin Eden, je suis certaine de ne l’avoir jamais lu, je vais donc y remédier ! 😉
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très très tentée surtout que ça fait un moment que j’ai envie de lire/relire London ! Beau billet en tous cas! ça a changé ici, c’est tout lumineux 🙂
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Très belle chronique sur un livre qu’il me faut découvrir! Bravo!
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Je ne l’ai pas lu et je n’en connaissais pas le thème. Me voilà très alléchée …
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Tu pourrais y être vraiment sensible.
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Qu’est-ce que tu écris bien! Ils ont de la chance Jack London et Martin Eden d’être tombés dans tes mains. J’ai très envie de le lire maintenant.
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Moi aussi j’en étais tombée à la renverse ! J’en avais fait un billet , pas aussi fouillé que le tien je crois bien 😉
Je l’aime d’amour cet homme là :-))
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Je viens de le lire et de découvrir ton avis. J’ajoute un petit lien vers ton billet histoire de partager nos enthousiasmes.
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J’attendais avec impatience de te lire à propos de Martin ! Ton billet lui rend merveilleusement honneur. Je te rejoins, comme je rejoins également Mior : « Martin Eden », c’est un coup de foudre littéraire, ni plus ni moins !
Tiens, je te laisse le lien de ma lecture, tout aussi enthousiaste 🙂
http://lapetitemarchandedeprose.hautetfort.com/archive/2012/08/11/martin-eden-de-jack-london.html
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J’ai mis un certain temps avant de me lancer. Contente d’avoir rédigé ce billet. J’espère que d’autres se laisseront convaincre et porter par ces belles pages.
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Je viens de télécharger ce livre sur la liseuse ! Je ne peux pas passer à côté !
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J’espère que tu apprécieras autant que moi… Bonne lecture !
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Je l’ai lu récemment et pour moi aussi, c’est une véritable découverte, loin des Croc Blanc de mon enfance. Ah, cette force de la nature et de l’âme qu’est ce Martin !
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Il est sur mes étagères depuis quelques mois mais il va devenir une urgence
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