Et mon coeur fait boum·Je lis des albums·Que jeunesse se fasse...

La forêt entre les deux – Mélanie Rutten

Il y a le temps de l’avant. Celui des couleurs qui éclatent, de la lumière qui irradie, du riz au lait parfumant la maisonnée, du cocon qui héberge les rires et la famille.

Il y a le jour où la maison s’éteint. Le jour des après qui basculent et bousculent. Le jour qui fait perdre à l’enfance sa précieuse insouciance.

Ce jour-là, la petite fille est devenue soldat. Dès lors, deux maisons l’accueilleront. Et la forêt, majestueux refuge, fera, sera, le lien, entre les deux.

Il allait y avoir deux maisons. Les parents ne s’aimaient plus.

Comme un terrain neutre, loin des discordes parentales, la nature en mouvement, repaire de bien des ombres et des silhouettes qui naissent sous le pinceau enchanteur de Mélanie Rutten. D’une maison à l’autre, un chemin, et autant de rencontres qui retardent le retour grognon dans les murs qui abritent toujours une absence de trop.

Rien de banal dans cet univers végétal. La forêt a tout d’un caméléon qui se teinte au rythme des humeurs d’une héroïne blessée au cœur d’une guerre d’adultes dont elle aurait préféré ignorer l’existence. Alors certains jours, les arbres se gorgent de rouge, s’offrent la froideur du bleu, se drapent dans le noir de la nuit, laissent l’or du soleil caresser leur cime sans toutefois être à l’abri des instants plus gris.

Cette forêt n’est autre que le fabuleux écrin d’un jeu d’enfants en quête d’un trésor dans lequel s’invitent des personnages familiers pour ceux qui n’en sont pas à leur premier album de Mélanie Rutten. Canari, lapin, chat en marinière, livre aussi gros qu’un bon vieux dictionnaire. Chacun s’agite et participe à ces petites parenthèses ludiques qui font oublier les tourments de famille, les soucis des jours tristes.

Les histoires, c’est mieux la nuit. Les branches les retiennent un instant, puis les relâchent dans le noir.

Et comme à chaque fois, la magie opère, le charme graphique s’impose, grandiose, virtuose, baigné dans des couleurs dont elle-seule a le secret. Et bon sang que la nuit est belle quand elle est racontée par Mélanie Rutten. Assistée de son héros, le livre conteur d’histoires singulières, la voilà qui nous offre encore un récit qui rend fabuleusement hommage au pouvoir des mots, aux mystères des récits qui envoûtent. Les petits clins d’œil ne manquent pas, les canons merveilleux sont convoqués et se mêlent audacieusement à cette jolie valse des personnages. Des pleurs d’une Alice perdue aux larmes d’une Léonie qui se cherche, le miroir des histoires reflète nos blessures et délivre les mots justes qui apaisent. Une forêt à traverser en se laissant charmer, comme à chaque lecture,  par la douce poésie de Mélanie Rutten et en se persuadant que si l’avant était beau mais n’est plus, l’après réserve assurément bien des surprises.

– Pourquoi tu dis toujours peut-être? – Parce que je ne sais pas tout…

Le site de Mélanie Rutten.

Mes chroniques des albums de Mélanie Rutten: L’Ombre de chacun / La Source des jours / Les Sauvages. / Nour.

La forêt entre les deux – Mélanie Rutten

Éditions MeMo

56 pages / 17€

ISBN: 978-2-35289-275-5

9e / 20 Hérisson

 

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