Un homme. Jonathan Noël. Une vie tirée à quatre épingles. L’ennui incarné. Un quotidien de solitude qui ne laisse rien au hasard et qui exclut définitivement l’idée d’accorder de la place aux autres... Et pourtant, si cela peut nous paraître d’une tristesse sans nom, Jonathan semble apprécier ce petit monde, sa petite bulle. Il est de ces personnes qui s’accommodent allégrement d’une morne existence.
Mais un jour, sa petite routine se voit bouleversée par l’apparition d’un pigeon. La bestiole s’est invitée dans le couloir de l’immeuble où il vit modestement, et tel un petit domino que l’on pousse du bout des doigts et qui entraîne les petits rectangles suivants dans sa chute, notre héros devient le témoin passif de sa vie qui bascule. Devenu la proie fébrile de ses névroses qui explosent et l’étouffent, il fuit, effrayé par l’idée d’avoir à retrouver ce volatile à son retour du travail.
Il est des questions qui impliquent une réponse négative du simple fait qu’on les pose. Et il est des demandes dont la parfaite inutilité éclate au grand jour lorsqu’on les formule en regardant quelqu’un d’autre dans les yeux.
Alors qu’aucun événement n’était venu mettre un peu de piquant dans sa vie, les heures qui suivent ce tête-à-tête plus déstabilisant que les grands face-à-face des westerns américains tournent au cauchemar pour Jonathan. Il rate tout, déborde de maladresse et peine à contrôler ses angoisses. Son attitude trahit son malaise et le voilà qui se noie dans un verre d’eau, incapable de se remettre de cette rencontre.
Ce titre est arrivé sur ma PAL grâce à François Cluzet qui lors d’une émission spéciale de la Grande librairie « Les 20 livres qui ont changé votre vie » avait entre autres, évoqué ce livre. Quand il est question de Süskind, nous pensons évidemment à la grandiose œuvre Le Parfum et délaissons quelques autres titres qui mériteraient pourtant que nous parlions un peu plus d’eux. Le Pigeon est une longue nouvelle à mi-chemin entre le récit absurde et la fable pathétique. Dans ce court récit, le lecteur assiste à la chute d’un personnage des plus banals et insipides, un de ces héros ridicules malmenés par une situation totalement saugrenue. Ses crises obsessionnelles déroutent, font sourire et lèvent le voile sur des angoisses paralysantes qui le conduisent à des réactions pour le moins déconcertantes et disproportionnées.
La haine de Jonathan Noël était cet après-midi-là, si universelle et si titanesque qu’il aurait voulu mettre le monde à feu et à sang à cause d’un accroc à son pantalon !
Sous la plume de Süskind apparaît d’abord un de ces anti-héros qu’ont su si bien nous dépeindre les grands romanciers du XIXe si chers à mon cœur. Dès les premières pages, le sourire du lecteur est celui d’un témoin amusé, moqueur, qui peine à comprendre les effets dévastateurs qui peuvent survenir après ce croisement furtif entre l’homme et l’animal… Puis, pas à pas, nous nous glissons malgré nous dans la peau et dans l’esprit de cet homme bouleversé et notre (sou)rire vire au jaune, comme peinés et touchés par cette anxiété fulgurante qui le submerge et lui confère une humanité pleine de traumatismes indomptés. Un texte bien plus cynique et sombre qu’il n’y paraît.
Le Pigeon – Patrick Süskind
Traduit par Bernard Lortholary
89 pages / 3.60€
ISBN : 9782253047421
Ma chère Moka,
Ta plume est un délice à lire. Et encore un livre à découvrir. Merci de tes lectures.
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Cher Hervé,
tes commentaires matinaux sont un vrai régal.
Merci de passer par ici et bon Angoulême.
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J’ai détesté cette lecture, je ne sais plus pourquoi exactement, mais c’est rare que j’aie une telle réaction.
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Ah! Ah! A ce point-là? Il faut dire que ce texte est très spécial. Le héros est profondément antipathique. Et Süskind nous balade dans un quotidien qui n’est guère émoustillant. J’ai ce genre de réaction très forte aussi face à des textes absurdes. Je peux comprendre qu’on le rejette en bloc.
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J’ai vraiment de plus en plus envie de découvrir cet auteur !
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Je connaissais Le Parfum mais pas ce petit texte. Prochaine étape : La Contrebassse.
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J’avais entendu parler de ce programme à la grande librairie, sans l’avoir regarder mais je pense qu’il devait être très intéressant pour en savoir plus sur les personnalités, leurs goûts littéraires =)
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Il est peut-être encore disponible sur internet si cela t’intéresse.
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C’est vrai que la plume de Moka est délicate… Je suis jaloux ! 🙂
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Aucune raison de l’être, je me dis la même chose quand je te lis jeune homme.
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Je suis ravie de lire un classique chez toi, et que ce rendez-vous soit mensuel! je devrais en faire autant… J’ai lu Le parfum, mais il y a des années. C’était remarquable!
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Je l’ai lu il y a longtemps déjà, mais j’en garde un très bon souvenir. Sans doute parce qu’il a un ton et un univers qui me parait familier.
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Je crois que la force des grands auteurs est d’offrir des œuvres qui nous marquent. Süskind réussit là son pari !
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Lu il y a longtemps. La plume de Süskind est sombre et teintée de cynisme… et bien cachée derrière la folie des personnages, la lucidité de l’auteur . Je te conseille La contrebasse.
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Je pense le lire bientôt. Histoire de parfaire ma découverte de son Oeuvre.
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je connais sans avoir jamais lu. Tu m’as convaincue!
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Un classique assez vite lu !
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Ouh-la-la ! Tu m’as convaincue ! Je n’ai jamais lu Le parfum mais ce titre me tente vraiment beaucoup. Est-ce que ce pigeon n’est la métaphore d’autres choses par hasard ?
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Ah oui, on peut voir en lui bien des symboles…
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Il faut que je le lise et que je m’en rende compte par moi-même alors ! 🙂
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Voilà. Il n’y a plus qu’à… 😉
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Voila qui me plairait beaucoup je pense !
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T’aimes les losers toi. ^^
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Encore un classique que je n’ai jamais lu, mais qui me tente vraiment beaucoup. Merci !
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Il faut se lancer !
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je n’ai même pas encore lu « le parfum » … * rougit honteusement*
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Oh tu sais, je pourrais rougir de bien des classiques non-lus si cela peut te rassurer.
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J’ai essayé de lire « Le parfum » il y a quelques années et je n’avais pas du tout aimé (je crois même que je ne l’avais pas fini). Néanmoins, je suis tentée par ce titre.
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Depuis Le parfum, je n’avais rien lu de cet auteur !
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C’est l’occasion ou jamais de poursuivre la découverte…
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Ah oui, j’adore ce texte ! Envie de le relire tiens !
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Si en plus tu as du temps à consacrer à la relecture, tu m’épates !
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J’ai le Parfum dans ma bibliothèque, mais je crois que je préférais commencer par ce Pigeon.
J’aime beaucoup te lire.
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