Challenge accepted !·L'Art du Roman·Les classiques c'est fantastique

Le Pigeon – Patrick Süskind

Un homme. Jonathan Noël. Une vie tirée à quatre épingles. L’ennui incarné. Un quotidien de solitude qui ne laisse rien au hasard et qui exclut définitivement l’idée d’accorder de la place aux autres... Et pourtant, si cela peut nous paraître d’une tristesse sans nom, Jonathan semble apprécier ce petit monde, sa petite bulle. Il est de ces personnes qui s’accommodent allégrement d’une morne existence.

Mais un jour, sa petite routine se voit bouleversée par l’apparition d’un pigeon. La bestiole s’est invitée dans le couloir de l’immeuble où il vit modestement, et tel un petit domino que l’on pousse du bout des doigts et qui entraîne les petits rectangles suivants dans sa chute, notre héros devient le témoin passif de sa vie qui bascule. Devenu la proie fébrile de ses névroses qui explosent et l’étouffent, il fuit, effrayé par l’idée d’avoir à retrouver ce volatile à son retour du travail.

Il est des questions qui impliquent une réponse négative du simple fait qu’on les pose. Et il est des demandes dont la parfaite inutilité éclate au grand jour lorsqu’on les formule en regardant quelqu’un d’autre dans les yeux.

Alors qu’aucun événement n’était venu mettre un peu de piquant dans sa vie, les heures qui suivent ce tête-à-tête plus déstabilisant que les grands face-à-face des westerns américains tournent au cauchemar pour Jonathan. Il rate tout, déborde de maladresse et peine à contrôler ses angoisses. Son attitude trahit son malaise et le voilà qui se noie dans un verre d’eau, incapable de se remettre de cette rencontre.

Ce titre est arrivé sur ma PAL grâce à François Cluzet qui lors d’une émission spéciale de la Grande librairie « Les 20 livres qui ont changé votre vie » avait entre autres, évoqué ce livre. Quand il est question de Süskind, nous pensons évidemment à la grandiose œuvre Le Parfum et délaissons quelques autres titres qui mériteraient pourtant que nous parlions un peu plus d’eux. Le Pigeon est une longue nouvelle à mi-chemin entre le récit absurde et la fable pathétique. Dans ce court récit, le lecteur assiste à la chute d’un personnage des plus banals et insipides, un de ces héros ridicules malmenés par une situation totalement saugrenue. Ses crises obsessionnelles déroutent, font sourire et lèvent le voile sur des angoisses paralysantes qui le conduisent à des réactions pour le moins déconcertantes et disproportionnées.

La haine de Jonathan Noël était cet après-midi-là, si universelle et si titanesque qu’il aurait voulu mettre le monde à feu et à sang à cause d’un accroc à son pantalon !

Sous la plume de Süskind apparaît d’abord un de ces anti-héros qu’ont su si bien nous dépeindre les grands romanciers du XIXe si chers à mon cœur. Dès les premières pages, le sourire du lecteur est celui d’un témoin amusé, moqueur, qui peine à comprendre les effets dévastateurs qui peuvent survenir après ce croisement furtif entre l’homme et l’animal…  Puis, pas à pas, nous nous glissons malgré nous dans la peau et dans l’esprit de cet homme bouleversé et notre (sou)rire vire au jaune, comme peinés et touchés par cette anxiété fulgurante qui le submerge et lui confère une humanité pleine de traumatismes indomptés. Un texte bien plus cynique et sombre qu’il n’y paraît.

Le Pigeon – Patrick Süskind

Traduit par Bernard Lortholary

Le livre de poche

89 pages / 3.60€

ISBN : 9782253047421

Un classique par mois chez le Professeur Platypus

Le classique de janvier.

34 réflexions au sujet de « Le Pigeon – Patrick Süskind »

    1. Ah! Ah! A ce point-là? Il faut dire que ce texte est très spécial. Le héros est profondément antipathique. Et Süskind nous balade dans un quotidien qui n’est guère émoustillant. J’ai ce genre de réaction très forte aussi face à des textes absurdes. Je peux comprendre qu’on le rejette en bloc.

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