Dans un Paris des années 1900, les hommes sont assurément plus nombreux à errer sur les toits qu’à s’installer dans l’obscure salle Les Spectaculaires. La Belle-Époque regorge de surprises et déborde d’ingéniosité et par conséquent, les temps sont durs pour nos héros maîtres de l’illusion. Le cinéma – devenu leur plus redoutable concurrent- leur fait de l’ombre et le public délaisse cruellement nos saltimbanques, rois des planches et des trucages.
Pourtant, assis dans la salle presque vide, un spectateur semble déborder d’un enthousiasme qui paraît bien trop euphorique pour être anodin. Félix, Pétronille, Eustache et Évariste vont faire la rencontre de Prosper Pipolet, un curieux personnage au charisme qui a encore beaucoup à prouver. Cet homme, à l’allure d’un savant aussi fou que gauche, devenu maître de l’imprécision et de l’inexactitude, se trouve bien ennuyé. Son invention la plus géniale, la plus déroutante , la plus déterminante pour l’Histoire de l’humanité se retrouve entre les mains du peu scrupuleux Victor Stingler, un homme d’affaire plus intéressé par l’odeur grisante de l’argent que par le bonheur inestimable des Hommes.
Prosper voit aussitôt en ces acrobates ingénieux et agiles, l’ultime chance de récupérer les plans de sa précieuse invention et l’incarnation même des sauveurs d’un monde qui court un grand danger. Comment imaginer une seule seconde que nos quatre personnages simplement en mal et en quête de public puissent porter une si lourde responsabilité ? Être expert dans l’art de masquer sa bedaine, être habile pour feindre la force surhumaine suffira-t-il pour endosser le costume de héros modernes?
Hélas, les temps sont durs pour les amoureux des planches et l’épée de Damoclès qui les menace (plus connue sous le nom des créanciers) risque de couper les cordages qui feront définitivement tomber le rideau de cette salle si chère à leur cœur… Alors comment refuser la mission gracieusement payée de Prosper Pipolet? L’aventure peut commencer…
Voilà que Paris offre ses plus beaux décors pour devenir le terrain de jeu de héros hauts en couleurs. La ville, joliment dessinée par Arnaud Poitevin nous ouvre ses entrailles, nous offre ses toits, nous plonge sur ses quais obscurs où se nouent bien des intrigues, et nous fait même prendre de la hauteur pour chatouiller les nuages. Qu’ils soient bedonnants ou moustachus, borgnes ou « nasalement » bien pourvus, cruels ou naïfs, les héros de Poitevin et Hautière ont de bonnes gueules bien attachantes et des caractères bien trempés (de l’égo démesuré au sens de la répartie grinçante). Les scènes d’intérieur ont parfois des allures de vieux greniers… Nous poussons les portes en bons espions-lecteurs pour découvrir des salles pleines de bric et de broc, de petits objets en toc, de bibliothèques sous hauts plafonds, de coulisses de théâtre ou d’entrepôts désaffectés. Arnaud Poitevin a laissé derrière lui ce trait plus lisse qui glissait sur les planches pour nous conter ses histoires de petit canard coquin et nous surprend par ce coup de crayon plus en relief et plus à-même de saisir les petits détails qui fourmillent dans les cases.
Enfin, en plus d’être des plus sympathiques à lire, ce titre a ce petit quelque chose que Régis Hautière sait définitivement insuffler dans tous ses albums et qu’il est si plaisant de retrouver. Les bavardages en bulles font de savoureux grands écarts entre conversations de piliers de bar, références littéraires, élans comiques et petites parenthèses poétiques. On suit alors avec entrain le parcours rocambolesque de ces quatre héros goguenards et audacieux qui tentent de dompter les imprévus et les retournements de situation comme ils le feraient pour un numéro d’équilibriste un poil improvisé, ce qui, vous en conviendrez, n’est pas sans risque mais ne manque assurément pas de piquant.
Vous savez ce qu’il vous reste à faire…
Le blog d’Arnaud Poitevin. Celui de Régis Hautière.
Le billet d’Hervé.
Le Cabaret des ombres – Régis Hautière et Arnaud Poitevin
Avec Christophe Bouchard aux couleurs.
Rue de Sèvres – Janvier 2016
ISBN :978-2-36981-183-1
14 € / 54 pages
Ah une petite BD qui me semble bien amusante =)
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Merci !
Plus que réjousisant, é-pa-tant !
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Ah Paris, on ne s’en lasse jamais…
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J’aimerais y passer plus de temps moi qui suis à un peu plus d’heure de la capitale.
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Un peu plus d’une heure, ce n’est finalement pas beaucoup.
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Je sens que ce Paris là va me plaire ! Hâte !
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Je m’initie que peu à peu aux BD pas sûre que je lise celle là , mais j’ai peut-être tort?
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ça a l’air très drôle. Et en plus… ben Paris quoi ;0)
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Riche de fantaisie et de rebondissements… ^^
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Et oui, je sais ce qu’il me reste à faire 😉
Bon après midi.
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Je vais le découvrir très bientôt ce Paris de Régis Hautière. Tant mieux !
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Tu apprécieras sans (aucun) doute mon cher Jérôme.
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C’est vraiment amusant et enrichissant de comparer vos billets. Je note ce titre pour Hautière.
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effectivement, je sais ce qu’il me reste à faire!
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Les. Décors ont l’air superbes, un graphisme à découvrir 🙂
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Ah ça oui ! Totalement !
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Merci !
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Tout comme toi, j’ai adoré.
Comment as-tu découverte cette bd?
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Régis Hautière est un des auteurs que j’admire le plus. (Il est d’Amiens, de ma région) Il a écrit le merveilleux Abélard et je pense que je lirai tout ce qu’il écrira. Du coup, tu imagines bien que je ne pouvais qu’être au RDV avec cette sortie.
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