L'Art du Roman

Un autre que moi – Véronique Olmi

Fred va fêter ses quarante ans ce soir. Tout semble organisé et ficelé jusqu’à la chemise judicieusement choisie qui n’attend plus que lui pour célébrer l’événement. Les invités arriveront à l’heure, tout sera prêt et seul l’imprévu n’aura pas sa place parmi les convives. Dans sa chambre d’hôtel, il fait les cent pas. Il n’est finalement pas si impatient que cela d’arriver à la petite sauterie préparée par sa femme.

Fred: Ce soir, je fuis la famille, mes amis, mes enfants, mes chiens, mes chats, tous ceux qui m’aiment et qui pourraient me rappeler que je dois être subitement heureux parce que je vais avoir quarante ans.

Frédéric est à l’aube de ses quatre-vingts ans et sa présence soudaine dans la chambre surprend le jeune quarantenaire. Évidemment. Il sera celui qui va incarner le rôle de l’imprévu. Il est celui que l’on n’attend pas et qui vous surprend insolemment dans votre petite vie d’une banalité sans nom.

Frédéric: C’est tout moi ça. Je ne voulais jamais regarder la vérité en face. Mais tu ne vois pas que c’est ça qui te ronge petit con. Cet aveuglement permanent.

Fred peine à comprendre la présence impromptue de ce vieil homme impertinent et provocateur dans la même pièce que lui. Cet autre qui l’interpelle tente en vain de lui faire admettre l’impensable. L’homme qui lui fait face n’est autre que lui-même. Son double, son reflet impossible, l’homme qu’il sera, quarante ans plus tard, conscient du chemin qu’il a fait, et tout aussi conscient du parcours qui attend ce jeune Fred un peu trop sûr de lui.

Un dialogue s’engage entre les deux hommes, mêlant humour, cynisme, résignation, propos tantôt optimistes, tantôt désabusés. Quand l’un refuse ce que la vieillesse semble lui offrir, l’autre tente par-dessus tout d’ouvrir les yeux de son jeune « moi » sur les choix qui déterminent une vie…

On m’avait vanté la plume de Véronique Olmi et j’avoue que cette lecture est une première rencontre entre elle et moi. Je lis peu de théâtre – bien que mon objectif soit de m’y remettre cette année – et je ne vous cache pas que le choix de ce genre me paraît hélas un peu factice ici. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’un dialogue très romanesque qui finalement exploite assez peu les spécificités (et les subtilités) du genre théâtral. Se  dessine alors une histoire dialoguée qui semble plutôt vouloir moderniser et épurer les ficelles des nouvelles fantastiques du XIXe.

Frédéric: Je les reconnais toujours, ceux qui ont perdu leur enfance. (Un temps.) Tu te souviens de tes premières fois?

L’échange entre les deux hommes soulève des questionnements universels et somme toute assez classiques. Il est question des femmes, d’amour, de réussite professionnelle, de vie de couple, de projets avortés, de désirs contenus, de choix faits trop tôt ou trop tard, d’occasions ratées. Certes, on effleure le sensible mais sans jamais l’atteindre réellement et si Frédéric m’a plus touchée que Fred (que j’ai souvent trouvé arrogant et peu intéressant), je pense que beaucoup de ces lignes m’ont quittée avant même que je ne referme le livre. Je ne m’arrêterai cependant pas à cette première lecture un peu trop fade à mon goût et renouerai avec Véronique Olmi avec un autre titre que celui-là. J’attends probablement une écriture un peu plus incisive pour traiter un sujet comme celui-ci. Quelques passages ont certes retenu mon attention, mais il me manque une véritable identité littéraire que j’espère trouver chez elle en tournant d’autres pages…

Un premier titre qui me permet de participer au challenge de la rentrée littéraire de janvier 2016 chez Laure.

Un autre que moi – Véronique Olmi

Janvier 2016 – Albin Michel

ISBN : 978-2-226-32391-0

137 pages / 15 €

34 réflexions au sujet de « Un autre que moi – Véronique Olmi »

  1. J’ai lu plusieurs livres de l’auteur : parfois j’aime et parfois je suis déçue. Mais je note cette pièce de théâtre qui permettrait de la découvrir sous un nouveau genre tout en comblant une ligne de mon challenge Le mélange des genres.

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    1. Voilà, je sens bien la plume qui se cherche encore et qui me paraît assez inégale dans ses publications.
      Si je commence par le moins bon, c’est que de belles références m’attendent…
      Je vais aller me renseigner sur ce challenge. Qui l’organise?

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  2. je ne savais même pas qu’elle avait écrit du théâtre ! merci pour la découverte, c’est tout de même intéressant pour moi, même si déception pour toi, vais y jeter un œil et te dirai 😉
    Il faut dire que j’aime bcp V.Olmi, j’ai été toutafé ébloui par « La nuit en vérité »
    mille bises demoiselle ❤

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    1. Il vient juste de sortir. Ceci dit, ce texte assez court se lit vite et bien. C’est juste que je trouve l’ensemble un peu fade. Tu as quelques belles pages, mais cela ne suffit pas.
      En revanche, je vais lire La Nuit en vérité. Pour partager ton éblouissement. Des bises ❤

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  3. J’ai lu : La pluie ne change rien au désir, Nous étions faits pour être heureux et Le premier amour que j’ai tout trois adorés pour leur questionnement sur le monde et nos vies contemporaines. Mais je dois dire que je ne suis pas tenté par celui-ci…

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  4. J’étais sûre d’avoir laissé un commentaire sur ce billet là mais on dirait bien que non. J’ai beaucoup lu Olmi une époque mais ces derniers me tentent moins. J’aurais préféré que tu commences par Bord de mer (superbe mais vraiment très dur) La promenade des russes (très beau aussi) Un si bel avenir (pas mal mais sans plus), La pluie ne change rien au désir (mon préféré, je l’ai adoré), Nous étions fait pour être heureux ( j’ai beaucoup aimé aussi mais je n’en ai pas gardé un grand souvenir) Commence par La pluie… et Bord de mer :0)

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