A l'heure parisienne·Et mon coeur fait boum·The place to be·Vous avez dit culture ?

Patti Smith à l’Olympia.

Patti Smith à l'Olympia
Un jour j’irai voir Patti avec toi.

Lui: Indice: PS. (Et ce n’est pas le parti socialiste.)

Moi: RM ? [ndlr: Robert Mapplethorpe]

Lui: Bien joué !

Voilà. Juste quelques mots pour deviner la surprise qui m’attendait ce soir-là. Un saut dans un carrosse noir avant de filer vers la capitale. Jean noir, converse et tee-shirt Les Fleurs du mal (cadeau de mon homonyme adorée) pour seule tenue de bal.  Une belle surprise de la part de celui qui sait combien j’aime et admire cette femme.

J’ai réellement découvert Patti Smith en tournant des pages, en lisant le sublime Just Kids qui restera je crois un des livres que j’aime le plus au monde. Je connaissais l’artiste chanteuse, certes, mais ce sont avant tout ses mots qui ont noué ma gorge bien avant d’aimer (certaines de) ses notes et mélodies.

Mercredi dernier, j’ai donc croisé la route de cette amoureuse de Rimbaud, l’autre grande dame brune (après Barbara et Natou & Elo) si chère à mon cœur. Ses cheveux ont blanchi, rappelant ce maudit temps qui passe férocement. Bien des années ont filé depuis ses heures new-yorkaises si intensément racontées dans ce livre introspectif, à mi-chemin entre l’hommage pudique et l’éternelle déclaration d’amour à Robert Mapplethorpe.

Mercredi dernier avait la saveur magique et indescriptible des grands soirs. Ce genre de rendez-vous qui ne se rate pas parce que vous savez pertinemment que vous ne le vivrez qu’une seule fois, le rendant évidemment plus intense.

J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.

Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,
De vers, de billets doux, de procès, de romances,
Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances,
Cache moins de secrets que mon triste cerveau.
C’est une pyramide, un immense caveau,
Qui contient plus de morts que la fosse commune.
– Je suis un cimetière abhorré de la lune,
Où comme des remords se traînent de longs vers
Qui s’acharnent toujours sur mes morts les plus chers.
Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées,
Où gît tout un fouillis de modes surannées,
Où les pastels plaintifs et les pâles Boucher,
Seuls, respirent l’odeur d’un flacon débouché.

Charles Baudelaire (Spleen – Extrait – J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.)

Patti Smith

Sur scène, une femme à la voix un peu rauque qui lit, qui chante, qui bouge, qui joue de la guitare, qui crache et qui sourit, qui répond avec humour à ceux dont les yeux brillent puisqu’ils renouent avec une part de leur passé le temps de quelques notes. Sur scène, une femme qui – fidèle à l’homme aux semelles de vent tant vénéré – rejette avec force et virulence ce monde qui déraille entre frasques politiques et religieuses. Sur scène une femme aux mille vies, riche d’un parcours grandiose et chaotique arrosé de paradis artificiels et de poésie, une femme lacérée de failles et de souvenirs d’où s’échappent les fantômes. Sur scène, une femme portée par des musiciens talentueux dans une complicité qui crève les yeux.

Temps fort de ce concert, la chanson Elegie à la fin de laquelle elle énumère de manière quasi incantatoire – et dans une émotion palpable – les noms de tous ces grands artistes partis bien avant elle. Elle, rescapée lumineuse au charisme indéniable, véritable voix venue des ombres pour raconter encore, les affres fascinantes d’une brillante lignée d’hommes et de femmes maudits.

Mais, vrai, j’ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer !

Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

Arthur Rimbaud (Extrait – Le Bateau ivre.)

Retour sur l’exposition Robert Mapplethorpe au Grand Palais.

Pour vos oreilles : Elegie – Patti Smith

15 réflexions au sujet de « Patti Smith à l’Olympia. »

    1. Rare, unique. Les « premières/dernières fois » ont cette force-là.
      Inutile de dire qu’après ce concert me voilà replongée dans Just Kids.
      J’espère qu’il saura te toucher autant quoi moi…

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