
Au milieu de l’incommensurable désert surgit une forteresse imprenable, solide comme ces demeures séculaires aux murs de pierres que le temps et le vent effleurent sans jamais les polir. Appelé par un heurtoir imposant et silencieux, piqué par la curiosité de l’enfance, il avance, pousse la porte comme cette Alice en robe bleue qui – quelques siècles auparavant – n’a pas hésité très longtemps avant de sceller son destin avec le fantasque pays des merveilles.
Très vite, les rubans blancs vaporeux se font murmures, fils d’Ariane d’un autre temps. Il suffira, ensuite de suivre ce petit être masqué qui tend une main vers l’ailleurs. Marcher dans ses pas, jusqu’à ce casse-tête d’escaliers, ces méandres de parois, ces chemins labyrinthiques, ces panneaux joueurs si étranges et familiers à la fois.
Qu’importe un prénom effrité et des chemins de hasard, le Roi comprendrait sûrement que l’on est parfois trop fragile pour aller au bout d’une rencontre.
Il faudra s’armer de courage et de sang-froid, savoir trouver la juste solution aux dilemmes qui déchirent, ne pas se laisser charmer par les fleurs du mal, préférer l’amusement à la peur quand surgira de nulle part l’imaginaire dans toute sa puissance, vivre avec l’oubli, accepter l’autre, celui qui est en nous, mais pas encore tout à fait nous. Mais il faudra un jour, puisque c’est là l’enjeu de la quête, rencontrer le Roi, qui attend dans une tour sans sommet.
Comment ne pas se précipiter pour aller chercher le précieux livre? Comment ne pas ouvrir ce bijou – avec cette fébrilité qui rend nos gestes plus gauches – quand on a la certitude que l’on va vivre de belles pages signées par deux artistes-poètes omniprésents sur vos étagères ?
Depuis toujours, ça l’amuse, toutes ces histoires inventées.
La plume de Thomas Scotto l’amoureux des mots a croisé les crayons facétieux de Régis Lejonc pour gravir les bulles et les cases du 9e Art. C’est ici un immense cadeau que ces deux artistes touche-à-tout nous font en nous livrant de page en page, de planche en planche, une splendide fable onirique sur fond de voyage initiatique, rendue belle et sublime grâce à un choix (toujours très troublant chez Scotto) de mots dont la poésie inonde et irradie chaque case. Les illustrations de Régis Lejonc quant à elles, apportent un souffle graphique singulier au monde de la BD en offrant un style étonnant et une palette de couleurs chaudes, douces et mates qui ne laisseront pas indifférents. L’univers foisonnant des artistes prend vie dans un ballet de figures tutélaires qui ont marqué nos parcours de lecteurs (Prévert mon amour) et que chacun aimera croiser, ravivant ces visages et silhouettes qui ont nourri nos premiers émois culturels…
Après l’obélisque embouteillée des idées, les buissons épineux des chagrins d’amour.
Lire Kodhja, c’est plonger dans les tréfonds de nos enfances perdues, de nos souvenirs ensommeillés, de nos cauchemars surmontés et de démons vaincus. Lire Kodhja, c’est retrouver cette part de nous à laquelle certains ont un jour renoncé, c’est accepter un instant de plus les drôleries absurdes et les déconvenues déconcertantes. C’est aussi, composer magistralement avec la douleur de l’abandon, en continuant de grandir, encore un peu, nous qui pensions que cette chance-là appartenait à un passé révolu.
Merci infiniment messieurs, de faire partie de ces hommes de talent qui construisent, avec de tels trésors de papier, bien des forteresses littéraires enfantines. Les Kodhja en devenir auront ce quelque chose qui vous appartient un peu.
Bien sûr, le roi n’arrive pas à se débarrasser de rancune et de jalousie, d’impatience, ni de rage. Même bien enfouies, elles ont grandi au fil des années. (…) Le garçon acquiesça et, dans l’écho de leurs plaintes, il laissa, sans regrets, les Colères du Roi derrière lui.
Les Blablabla en suspension de Thomas Scotto
Kodhja – Régis Lejonc & Thomas Scotto
Éditions Thierry Magnier
20,50 euros
EAN: 9782364747777
Octobre 2015

Tu en parles magnifiquement mais je passe.
Je ne sais pas : pour les illustrations ? pour trop de poésie?
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Oh l’erreur monumentale que de passer à côté de ce titre… Quant à la poésie, elle n’a rien d’hermétique bien au contraire. Je ne comprendrai pas que tu n’aimes pas cet album. Vraiment.
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Quel joli billet Camille. Pour ma part je ne passerai pas à côté de ce qui me semble être une vraie perle !
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est ce qu ece petit bijou s’adresse à des enfants ou à des adultes?
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Rhaaaaa, Régis Lejonc, je veux !
(tu en parles très, très bien…)
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Tu veux, et tu aimeras. Impossible qu’il en soit autrement… (Et merci. Beaucoup. Beaucoup.)
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Je ne peux que craquer… De beaux mots pour un bien bel album… ❤
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Un album fait pour les grands esprits qui si souvent se rencontrent… ❤
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Je n’aurais pas été tentée de prime abord mais vu ce que tu en dis… Merci Moka 😉
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Tu n’avais pas lu sa trilogie ?
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Non madame 🙂 Une lacune à combler semblerait-il 😉
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Oh oui, tu dois lire ça ! C’est tellement beau…
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