L’encre s’écoule, lentement, goutte après goutte avant de devenir torrent d’obscurité. Accroupi sur le sol, il ne regarde pas ce noir qui ne trouve plus sa place sur un papier qui demeure désespérément blanc. Au lecteur de tourner les pages, de plonger dans l’encre du passé pour qu’elle raconte son histoire.
J’ai douté pendant plus d’années que tu n’en as toi-même vécu. Et Je ne le regrette pas.
Môhitsu marche, imperturbable vers Edo. Sur sa route, des paysages à perte de vue, des rizières où s’agenouillent les femmes sous un soleil de plomb. Derrière lui, des absentes, des fantômes. Sur son chemin, une maison où travaille la jeune Atsuko. Si son quotidien est fait de pigments et de teinture pour les clients de ses patronnes, ce qu’elle aime par-dessus tout c’est la peinture. Et le regard de Môhitsu sur elle ne trompe pas: il veut qu’elle le suive pour apprendre, pour laisser s’épanouir tout le talent qui sommeille en elle et ne demande qu’à éclore. L’enfant ne saurait refuser une telle invitation, et elle quitte tout pour suivre son maître, et devenir l’apprentie d’un célèbre artiste résidant en ville.
Le pinceau glisse avec aisance sur les feuilles et Atsuko apprend vite. Son jeune âge ne l’empêche pas de saisir les silences et les instants chargés d’une émotion palpable. Un lien très fort se crée entre ces deux êtres dont les chemins devaient inévitablement finir par se croiser.
Je crois que Môhitsu avait plus besoin de toi que moi de lui. N’y pensons plus…
Mais si les cerisiers fleurissent et émerveillent, les feuilles mortes rappellent aussi que le temps passe, que les êtres s’égarent, se taisent, qu’ils se ratent et se perdent sur des chemins sinueux des terres nippones. Les traits des visages se creusent, le pinceau ne glisse plus avec la même candeur, et l’eau qui dilue les couleurs se charge d’une nostalgie salée.
C’est une histoire au charme suranné que dépeignent ici Maël et Bauza, ponctuée par le talent calligraphique de Pascal Krieger. Chaque case est un pas gorgé d’eau, chaque planche une route, celle d’un cheminement vers l’autre mais aussi vers soi. Les héros se dévoilent à demi-mot, semant sur le papier, dans un ballet graphique, des mots lourds d’un passé que seule l’encre fige. Teinté d’une dimension philosophique forte, cet album vous enveloppe dans un univers plein de douloureux regrets qui s’exprimeront dans un dialogue graphique saisissant. Cela n’a rien de surprenant quand on voit tout le talent de Maël (Notre Mère la Guerre) se dévoiler à chaque page, maîtrisant l’aquarelle dans toutes ses nuances et insufflant ce qu’il faut de beauté, de légèreté et de relief à cet univers japonais que j’aime tant.
Ma première chronique pour la Team K.BD qui marque également le grand retour de La BD de la semaine après une pause estivale. La rentrée est là. Indéniablement.
(Et un merci tout particulier à Dom qui m’a offert ce joli présent un soir de décembre pas comme les autres.)
L’article DoliBD, Sin City, Lunch Ben Dis, Choco.

L’Encre du passé – Maël & Bauza
Dupuis
Collection Aire Libre
15,50 €
Tant mieux pour le retour de la BD qui nous vaut cette belle chronique. J’ai beaucoup aimé « Notre mère la guerre » et pousserais volontiers plus loin ma découverte de l’oeuvre de Mael.
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Je dois travailler sur « Notre Mère la guerre » pour une formation. Je vais donc m’y plonger avec plaisir.
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Je suis sous le charme, de ton avis et de la BD !
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Si l’univers japonais t’attire, tu ne seras pas déçue !
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Oh la la, ça a l’air splendide !! Merci pour cette chronique !
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Moi aussi, je suis très attiré par le « charme suranné’ de ta chronique et de l’album. Dans ma liste de lecture, donc !
Merci.
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Alors bonne lecture !
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J’aime beaucoup la façon dont tu en parles mais je ne sais pas trop si elle me plait ou pas cette BD…
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Il n’y a qu’une chose à faire pour le savoir… 😉
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Japon, aquarelle, cerisier… rien qu’à ces mots mon coeur palpite.
Un rapide coup de d’oeil et je viens de voir que je l’avais dans notre fonds BD à la bib. Mon dieu, il y a encore des pépites que je ne connais pas dans mes rayons ! Je fonce !
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Nous avons les mêmes déclencheurs de palpitations cardiaques…
Et si en plus tu peux l’avoir aussi rapidement, pourquoi te priver? Bonne lecture Marie !
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Hop, réservé à la médiathèque. Il sera dispo mi-septembre, une lecture parfaite pour un mois de rentrée 😉
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Hâte de lire ton avis…
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Je me rends compte que je n’ai pas chronique ce superbe album honte à moi ! Alors que je l’ai acheté et lu il y a des années…
Pour l’anecdote le scénariste est devenu créateur de jeux de plateau.
7th Wonders ou Takeneko c’est lui. Une star du genre.
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Il ne l’est pas « devenu ». Il était dans le jeu bien avant la BD (il a commencé dans le jeu de rôle mais il faisait déjà du jeu de société en 2009), qui est son seul écart dans le Neuvième Art d’ailleurs.
Il y a un podcast sur lui et son travail chez La voix des bulles, pour ceux que ça intéresse.
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Merci pour la précision M’sieur Lunch !
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C’est que je suis un peu ce que fait le bonhomme, étant donné que j’ai une asso de jeux aussi 😉
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Mais où trouves-tu le temps pour faire tout ça entre la BD et les jeux… Chapeau !
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Je me le demande bien Moka 🙂
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merci de la précision ^^
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Alors il va falloir le faire. Elle mérite qu’on parle d’elle encore et encore.
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Je suis tout à fait d’accord avec toi, je veillerai à réparer ça ^^
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Magnifique ! Cette ambiance devrait me plaire !
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Oui, je pense que tu peux être emportée…
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Les illustrations sont époustouflantes!
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Ah ça, c’est Maël… Ce type a un talent fou.
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Tu as aimée donc ! Chouette avis sur une lecture bien agréable ^^ Emporté également même si ce n’était pas un soir de décembre 😉
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Merci. Oui, j’ai vraiment aimé cet album. Sans K.BD je l’aurais laissé un peu trop longtemps en attente sur mes étagères.
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ça m’a l’air superbe, tout comme cette chronique!
j’ai aimé Maël dans « Notre mère la guerre » alors… 🙂
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Alors tu risques fortement de l’aimer encore plus avec ce titre…
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Superbe et très tentant, c’est le genre de dessin et de technique graphique qui me plaît beaucoup. Et l’histoire est très attirante aussi…
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Oui toi qui aimes les voyages et l’ailleurs, tu seras servie !
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Les dessins ont l’air superbes mais je ne suis pas sûre d’être sensible à l’histoire… Si je la trouve à la médiathèque, je me laisserais sûrement tenter !
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Je l’espère, tu pourrais être surprise…
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On dirait que j’ai un coups au coeur ! Je suis littéralement séduite, et n’écoutant que mon élan de vie, je pars immédiatement à sa recherche. Merci à vous tous et tout spécialement à Mokamilla, car avec elle, la qualité est au rendez-vous !
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