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Come Prima – Alfred

Il est de ces gens qui resurgissent dans vos vies comme des fantômes qu’on voudrait avoir oublié à tout jamais. On croit pouvoir disparaître, mais c’est souvent sans compter sur la force irrépressible qui  pousse votre passé à revenir dans le bruit et la fureur.

Je m’appelle Fabio Foscarini, et je n’ai pas revu mon pays depuis tellement longtemps que je ne sais même plus si c’est moi qui l’ai quitté ou si on m’en a chassé.

Voilà dix ans que Fabio et son frère sont séparés. Fabio vivote de ses combats de boxe et de magouilles plus ou moins auréolées de succès. Il a depuis longtemps tiré un trait sur son passé et quand Giovanni se trouve face à lui, ses vieux démons s’entrechoquent dans son esprit, réveillant ses colères et ses rancœurs. Ces retrouvailles inattendues n’augurent rien de bon et c’est une urne à la main que Giovanni annonce la nouvelle: leur père est mort et c’est à eux d’aller la déposer en Italie pays d’origine des frères ennemis. D’abord peu enclin à prendre la route auprès de Giovanni, Fabio accepte en échange de sa part d’héritage et de la promesse de voir son passé disparaître de sa vie.

Tu sais, pendant tout ce temps où je te cherchais, à chaque fois que je rencontrais quelqu’un qui t’avait croisé, je… J’ai pas trouvé une seule personne pour me dire du bien de toi.

Voyager à bord d’une Fiat 500 en piteux état a tout pour rapprocher les êtres, qu’ils s’épanchent, se confient ou que leurs poings les démangent pour faire jaillir tout ce que l’amertume ne parvient plus à taire. Ce road-movie baignant sous le soleil italien va contraindre les deux frères à jouer cartes sur table. Il va falloir lever le voile sur les obscurs ressentiments, faire tomber les masques hypocrites, dire ce qui a toujours été tu quoi qu’il en coûte.

© Alfred

 Voilà un album qui m’attend depuis sa sortie et que j’avais tardé à découvrir. Nous avons eu la chance la semaine dernière de pouvoir rencontrer Alfred, Olivier Ka et Guillaume Guéraud lors d’une séance de dédicace chez Pages d’encre et d’assister à une lecture dessinée. Autant dire que c’était à mes yeux l’occasion ou jamais d’aller à la rencontre du Fauve d’or du Festival d’Angoulême 2014.

Comme elles ont dû être lourdes à porter ces valises Giovanni.

C’est donc une histoire très forte teintée de nostalgie (contre laquelle le héros ne cesse pourtant de lutter) que nous livre ici Alfred sous ce trait si facilement identifiable. Comme pour le terrifiant Je mourrai pas gibier ou le sublime Pourquoi j’ai tué Pierre, ses personnages ont de sacrées gueules qui collent à merveille avec cette vie qui les a salement amochés et avec leur caractère bien trempé.

L’ambiance graphique qui naît sous le crayon d’Alfred sert admirablement l’histoire : les paysages italiens et le travail autour de la couleur ont cette luminosité chaleureuse qui pèse sur les êtres qui étouffent dans leurs secrets et non-dits. Parfois, les coins ombragés apaisent les esprits, les absences de quelques heures renforcent les mystères  et les plus fortes pluies viennent absoudre les fautes mais aussi les plus fortes douleurs

Enfin, quelques pages ponctuent le récit de manière récurrente, pour donner vie aux démons qui hantent nos héros. Se mêlent alors les souvenirs heureux d’une enfance italienne, les regards profonds encore innocents, l’émoi plaisant d’une brune séduisante, les révoltes ouvrières, les combats d’hier qui ont laissé des traces, des fêlures…

Un one shot à ne pas manquer.

© Alfred

Le blog d’Alfred.

Come Prima
Scénario & dessins d‘Alfred
Éditions Delcourt, dans la collection Mirages
25.50€ / 224 pages / 2014
Fauve d’Or 2014 – BD de la semaineNeuvième Art

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