Et mon coeur fait boum·Neuvième art

Un Océan d’amour Lupano Panaccione

Noir absolu, lampe de chevet qui annonce l’heure du réveil. Un petit homme apparaît derrière ses lunettes qui ont tout de deux gros hublots. Quelques étirements matinaux avant se laisser guider par l’odeur de la galette bretonne qui valse avec le bacon et l’emmental dans la poêle en fonte. Les habitudes ont pris leur rythme de croisière et la bigoudène qui partage sa vie aime nourrir de petits rituels avec ferveur. Et comme chaque matin, c’est l’heure du départ pour la pêche.

Lupano- Panaccione

Quelques heures plus tard, un autre instant familier se joue (la dégustation du café et le jet de boîtes de sardines dans la cale) lorsqu’un tête-à-tête renversant s’apprête à mettre un peu plus  d’eau salée dans cette histoire. Maria, le petit bateau de fortune a tout d’un jouet fragile face à l’imposant Goldfish escorté par un escadron de mouettes. Malmené par les vagues qui mènent la danse, notre héros, en bon capitaine, refuse d’abandonner son navire et se retrouve pris au piège dans les mailles des filets du géant d’acier.

La journée passe. Une femme attend seule sur le quai celui qui ne sera pas au rendez-vous. Fermement convaincue que son époux est encore en vie, la voilà prête à remuer ciel et mer pour retrouver son petit homme emporté par l’océan.

Commence alors un jeu de chassé-croisé entre les deux personnages: consultation d’une voyante qui lit l’avenir dans les crêpes, duel rocambolesque avec une mouette hurlante, déferlantes et tempêtes, marée noire et j’en passe… Des événements qui se suivent tous de manière quasi-improbable, savamment dynamisés par l’humour succulent d’un Lupano très en forme. Les dessins de Panaccione, sont le parfait écho de cette course délirante rythmée par le cri strident des mouettes et le bruit des vagues. Certaines cases vous flanquent une bonne claque quand d’autres vous font rire grâce à un petit détail savoureux.

Le pari est donc indéniablement réussi pour un album dont la qualité n’est plus à prouver. Primé à juste titre, le duo d’auteurs parvient à nous captiver autour de deux personnages aussi exquis qu’un Kouign Amann. Chaque coup de crayon fait sens pour se gorger d’un humour tendre et subtil qui n’a pas besoin de mots pour nous accompagner au milieu des flots. Les expressions du visage, les moindres petites mimiques ou attitudes parlent d’elles-mêmes et se font, elles aussi, langage

On rit (jusqu’à la quatrième de couverture), on relit les pages avec délectation et on ouvrirait bien plus souvent des boîtes de sardines comme celle-ci. Mais attention, sous l’huile douce et la chair tendre des poissons, un autre humour se cache, plus amer, plus piquant. On rit jaune, une arrête coincée au fond de la gorge, face à cet océan tantôt époustouflant et majestueux, tantôt dévasté par des hommes peu scrupuleux à qui l’on ferait bien boire quelques gorgées d’eau salée ternie d’or noir.

Une lecture (possible grâce à F.) que je partage avec le Capitaine Jérôme.

Les blogs de Wilfrid Lupano et de Grégory Panaccione,

Je le confesse, j’adore Lupano qui sait merveilleusement bien s’entourer. D’autres chroniques en un clic : Le singe de Hartlepool, Les Vieux fourneaux, Ma Révérence.

Les chroniques d’Yvan, Sandrine, Marguerite, Cannibales lecteurs, Un amour de BD, Livresse des mots, Mo’, Sara, Evasion Julivresque, Le petit carré jaune et Violette.

Un Océan d’amour – Lupano et Panaccione

Delcourt Mirages

ISBN:978-2-7560-6210-5

224 p / 24,95€

TOP BD Yaneck  18.75/20
TOP BD Yaneck 19/20

43 réflexions au sujet de « Un Océan d’amour Lupano Panaccione »

  1. j’adore, j’adore, j’adore…. 3ème lecture déjà et toujours la même saveur et le même délice …
    merci pour ce si joli billet sur je crois peut être ma plus belle BD de 2014

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  2. J’attendais ton avis depuis que ton passage chez moi mercredi 🙂 En plus de l’humour et la tendresse, ce qui m’a marqué c’est qu’on y dénonce des problèmes environnementaux avec la mouette prisonnière du plastique, les fuites de pétrole du cargo ou la mer de déchets. Une BD intelligente et magnifique !

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    1. Et moi qui oublie ton lien alors que c’est le dernier article que j’ai lu à ce sujet… Quelle tête en l’air ! L’erreur est réparée.
      Et comme tu le dis, c’est d’une belle intelligence. Dénoncer par l’humour, c’est je crois ce qu’il y a de plus difficile à faire et comme tu le dis si bien, c’est très réussi.

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  3. Absolument succulent cet album. J’ai vraiment savouré cette lecture, me laissant surprendre par quelques passages complètement déjantés mais avec toujours ce fond de vérité sur l’actualité

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