Lovely friends

Chère Léontine…

Kelli Murray.

« Les filles, j’espère que vous n’allez pas m’en vouloir et que je resterai une princesse à vos yeux mais je voulais vous dire que je suis enceinte ».

Voilà, ça a commencé comme ça. Elise au bout du fil, Elo, Mel, ma Rousse et ma Blonde, assises autour d’une table basse dans la jolie maison de Mademoiselle Stéphanie, un verre d’apéritif au curaçao, du vernis impeccablement posé au bout de nos ongles, touche girly incontournable de tout rendez-vous princier. Nous venions de visiter ce qui va être ton chez toi et la petite peluche dans la chambre d’ami avait éveillé mon attention. Ta mère, fourbe à souhait – probablement trop occupée à vider discrètement son verre dans l’évier de la cuisine – avait éludé la question lorsque j’avais évoqué une possible grossesse à travers un classieux p*****, tu ne serais pas enceinte tout de même ? Ce jour-là, Valou et moi étions – très en retard – et ta mère devait trépigner d’impatience à l’idée de nous annoncer LA nouvelle.

Alors ma belle Léontine, il va falloir que tu saches quelques trucs sur ta mère. Parce que toi aussi, tu seras peut-être celle qui « fouille un peu », qui aime les meubles chinés, qui mélange les vernis pour créer sa couleur, qui change de coiffure comme d’autres princesses changent de princes charmants, qui aime le thé Mariage frères, les criques de Cassis, le soleil sur sa peau claire et les robes légères. Elle te dira sûrement combien elle aime Quignard, Irving, les albums de Benjamin Lacombe. Elle te taira les excès alcoolisés rue Saint S. dans un appartement qui l’a souvent accueillie lors de ses escapades picardes, elle te dira qu’un jour, elle a fait sa rentrée dans un collège fou fou fou où elle a croisé des demoiselles qui n’allaient pas la quitter de sitôt. Elle ne t’avouera que tardivement son côté tête en l’air, sa maîtrise impeccable dans l’art d’égarer ses clés ou sa carte bancaire en pleine rue, son penchant pour le bon vin, sa jalousie contenue ou grinçante. Elle te dira l’émotion de ton père quand il a découvert ton visage, elle te racontera ton arrière grand-mère à qui tu n’en voudras évidemment pas d’avoir raté son rendez-vous avec toi… Elle ne te dira pas qu’un jour, comme nous toutes, elle a dit qu’elle n’aimait pas les enfants. Parce que ça, c’était avant que tu ne pointes ta bouille de princesse et que tu ne viennes envoyer valser toutes ses (in)certitudes.

Enfin ma belle Léontine, il va falloir aussi apprendre à apprivoiser les amies de ta divine mère, qui seront probablement plus effrayées que toi le jour de notre rencontre. Tu n’as pas encore idée de qui sont ces drôles de fées qui vont se pencher sur ton berceau.

Bientôt, tu rencontreras, Elo, une grande brune qui parle fort, jure en toute classe et t’apprendra par cœur les chansons des Rita Mitsuko. Elle attendra que tu grandisses un peu pour évoquer son penchant pour Sade, Laclos et les excellents vins rouges.

Il y aura aussi Valou, la belle blonde et alors là, accroche-toi Beauté parce que cette fille-là, elle est terrible. (Citation de Johnny à peine assumée.) Elle délaissera assurément ses lectures grivoises, mystiques ou scientifiques pour te lire des histoires de ton âge, surtout celles où il sera question de caca et de prout de mammouth, elle t’attribuera un « profil animalier », elle te fera goûter à ses cookies qui rendraient jalouse Bree van de Kamp, elle te parlera sans pudeur de ses maladresses rocambolesques qui font que nous l’aimons tant. Elle évitera de te parler de ses rêves équins et te contera inlassablement l’importance de ne pas vivre « l’histoire du dauphin », métaphore bien à elle des regrets...

Tu feras aussi connaissance avec la Rousse, à qui je donne moins d’une minute pour te sortir une perle tout aussi précieuse que toi. Cette fille te réinventera la géographie et l’art culinaire en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Tu te diras que finalement, les trajets Bordeaux-Grenoble ne sont pas si longs et qu’une bouse-entremet peut se savourer sur un canapé rouge en toute sérénité.

Tu n’échapperas pas à Sexy Kelly The Guide qui t’inventera un rap plus vite que son ombre. Son ego démesuré lui fera probablement dire que tu n’es pas si mal pour un bébé mais que tu ne lui arrives bien évidemment pas à la cheville. Elle fera tout pour que tes premiers mots soient « t’sais. » (Maman ou papa, c’est surfait.) Elle évoquera le Liban, ses errances hongroises. Elle saura, comme nous toutes, te dire qu’il faut se méfier des grands bruns qui jouent de l’accordéon ou du piano comme personne. Tu auras le droit, comme nous toutes, de ne pas écouter nos conseils avisés/avinés. (Rayer la mention inutile.)

Je te souhaite aussi de profiter de la douce Mel, adepte des soirées Pico que tu dévoreras à nos côtés. (Un conseil avant toute chose, si tu aimes les desserts, le chocolat et les coupes remplies de crème chantilly, ne t’avise pas une seconde de t’installer auprès d’elle à nos tables festives. Elle sera, avec Valou, une ennemie redoutable pour saisir la moindre bouchée sucrée. You know Hunger games ?)

Grâce à Nathou, tu parviendras peut-être à aimer comme jamais les heures de courses au grand air alors que je ne serai jamais de celles-là, préférant mon plaid doux bien chaud et mes litres de thé. Elle te racontera aussi des histoires, elle qui a bercé nos heures princières près d’une Fontaine intarissable...

Quant à nous deux demoiselle Léontine, notre premier contact fut dans mon appartement au vieux plancher. Ta mère m’avait dit de poser ma main sur son ventre et tu m’envoyais des petits coups de pieds à chaque fois qu’il était question de vin. Ainsi, se scellait notre complicité. Sache que tu pourras toi aussi, profiter des soirées rue St-S, qui sans aucun doute seront plus calmes quand tu pourras t’y rendre seule, ma bibliothèque sera tienne, bien que celle de ta mère regorge aussi de trésors. Je te raconterai le goût des soirées pragoises, italiennes, barcelonaises, brésiliennes, londoniennes, portugaises… Je ne saurai pas t’apprendre à dompter ton sale caractère mais t’encouragerai à vivre avec… Je te ferai lire Kitty Crowther, te ferai tourner les pages des albums de Mélanie Rutten, te laisserai pleurer en lisant  Abélard ou Betty Blues

Alors non ma chère Stéphanie, comment t’en vouloir d’avoir fait le choix le plus flippant d’une existence ? Comment t’en vouloir quand je me rappelle tes yeux brillants nous annonçant que ta vie allait changer du tout au tout, quand je me rappelle ta voix presque sereine au téléphone pour me dire combien avoir Léontine contre ta peau restera un moment absolument inoubliable pour toi. Je te souhaite tant de beaux instants. Bon retour dans ton cocon avec tes amours. Une délégation princière arrivera très bientôt pour rencontrer celle qui, assurément, va nous voler la vedette et nous faire perdre à juste titre, une place au rang précieux des femmes de ta vie.

Pour les yeux et les oreilles, la divine Maïa Vidal qui chante Brassens.

24 réflexions au sujet de « Chère Léontine… »

  1. Elle a de la chance d’avoir une « presque -tata » qui semble deja l’aimer si fort et pourra lui transmettre sa passion pour les (jolis) livres cette petite Léontine.

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  2. ET ben ta Stéphanie, elle a du avoir les yeux tout mouillés à lire tout ça (parce que moi qui ne suis pas concernée franchement, je ne suis pas très loin), quel beau texte Moka, et quel bel accueil pour une toute petite fille. On lui souhaite le meilleur, mais elle part bien entourée, et c’est déjà énorme dans la vie.

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  3. 26 bisous en lettres d’or pour l’emmener danser sur un monde de bulles fabriqué par toute ces merveilleuses fées marraines. un mot d’excuse pour les empechés.

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  4. Camille, je viens de relire cette si belle lettre que tu avais écrite car c’est moi aujourd’hui qui aie écrit une lettre à ma fille… Quelques jours avant l’arrivée de sa petite sœur, j’ai eu besoin de lui dire à quel point elle avait bouleversé ma vie et lui dire aussi qu’il ne fallait pas qu’elle s’inquiète, que je serai toujours là pour elle. Mais ne serait-ce pas moi finalement qui suis inquiète à l’idée de devoir « me partager »?…

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    1. Oh ma douce. C’est qu’il est temps que notre belle Léontine apprenne à lire tant elle aura de beaux mots plein d’amour à lire, relire encore et encore. Pour le reste, je ne m’inquiète pas quand je vois la mère que tu es. Tu vas donner du bonheur en double et quand tu vois tout l’amour que ça représente tout se passera à merveille… Parce que tu n’es pas notre divine pour rien… Je t’embrasse follement et pense que quand nous nous reverrons, vous serez quatre. Et ça, c’est aussi beau que fou. Je t’aime fort !

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