Neuvième art

Le client Zidrou-Man

 » Un bien triste paradis en réalité peuplé d’anges au sourire déchu. »

Elles sont là, assises près du bar sur leur tabouret, pathétique piédestal, qui expose leur chair triste. La lumière des néons éclaire juste ce qu’il faut les corps presque nus, les corps vendus, caressés par des centaines de mains, respirés par des centaines d’hommes en mal de petite mort. Les catins d’El Paraiso ont les seins aguicheurs et les minutes passées entre leurs cuisses sont comptées. Le plaisir se monnaie, on se procure quelques instants d’abandon contre quelques billets froissés. Ce temple du sexe facile est devenu hélas, le seul port d’attache de ces poules aux oeufs d’or d’un autre temps.

 » Un sexe qui sourit à leur place, un sexe qui dit toujours oui. […]

Celui -là ou un autre, pourvu qu’il soit gentil. »

Lorsqu’Augustin Mirale s’installe face à Selznic – proxénète au faciès porcin – un verre de mojito bien frais à la main, il doit prendre sur lui pour ne pas laisser entrevoir à quel point il tremble.

S’il est là, c’est parce qu’il est tombé éperdument amoureux d’une équatorienne qui l’a arraché à sa morne solitude. S’il est là, c’est pour retrouver sa Maria-Auxiliadora Alaya, sa Vénus à la peau couleur miel qu’il se plaisait à regarder comme on s’extasie devant un tableau de Degas. Cette rencontre porte donc en elle bien des enjeux puisque malgré son charisme d’huître, le frêle Augustin s’en est pris à la fille de Selznic. Elle sera sa monnaie d’échange. Conscient des risques encourus en s’attaquant à ce mafieux sans scrupule, il abat ses dernières cartes pour tenter de retrouver cette femme qu’il aime tant.

« Le Saint Pierre de service n’a pas dû étudier le même catéchisme que nous… »

Zidrou aime les sujets forts et percutants et après le merveilleux et lumineux Lydie le voilà qui plonge le lecteur dans le sombre univers de la prostitution. On n’échappe pas aux clichés du genre et le personnage d’Augustin a quelque chose d’attachant au milieu des brutes épaisses qui jouent les gros bras pour s’assurer d’avoir la main mise sur leur harem glauque à souhait. Si le scénario et les mots de Zidrou me plaisent sans pour autant me saisir comme d’autres albums (il faut tout de même avouer que l’idée de départ est on ne peut plus banale) je ne peux qu’admettre que j’aime cette plume toujours piquante et sensible. Là où le bât blesse: le dessin de Man – et c’est sur ce point que l’album ne parvient pas à me convaincre. – Un ensemble graphique assez artificiel, des couleurs déplaisantes, des traits souvent grossiers, des personnages un peu trop lisses là où l’on attendrait peut-être un travail plus poussé sur les corps et leur dimension charnelle pour un sujet comme celui-ci. Une petite déception donc.

Bref, si vous souhaitez découvrir le talentueux Zidrou, dirigez-vous plutôt vers des titres comme Lydie ou Le beau voyage, à mes yeux largement au-dessus de cet album-là.

Une lecture que je partage avec Stephie pour sa semaine consacrée à l’artiste.

 Les billets de Noukette et Yvan.

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14 réflexions au sujet de « Le client Zidrou-Man »

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