Simon est bien matinal ce jour-là. La mer et ses puissants rouleaux l’appellent. Il rejoint ses amis et s’apprête à prendre une grande bouffée d’oxygène, du grand air à pleins poumons, qu’importe la fraîcheur matinale qui vous glace et vous coupera le souffle aussitôt sorti de l’eau. Sur sa planche, plus rien d’autre n’existe. Il se laisse glisser et épouse avec grâce la rondeur des vagues. Intouchable, fier et agile, il domine l’eau et fait corps avec cette planche qu’il surplombe pourtant pour la dernière fois. Dans quelques heures, la vie va lui jouer son plus sale tour et le quitter un peu trop tôt, beaucoup trop vite. Deux ceintures pour trois. Cherchez l’erreur.
« Au sein de l’hôpital, la réa est un service à part qui accueille les vies tangentielles, les comas opaques, les morts annoncées, héberge ces corps exactement situés entre la vie et la mort. Un domaine de couloirs, de chambres, de salles que régit le suspense.«
Urgences, première prise en charge, examens, coup de fil à la famille. Le verdict est sans appel, Il ne sera pas de ceux qui restent.
Simon, Marianne, Sean, Revol, Thomas, Lou, Cordelia, Harfang, Alice, Virgilio, Rose, l’homme aux digitales, Claire ou les maillons d’une chaîne suspendus à un cœur qui bat. Commence alors le récit troublant d’une mort annoncée. Si l‘encéphalogramme plat de Simon vient faire voler en éclats bien des vies, face à ce drame, la médecine vient poser une ultime question: avant d’enterrer les morts, ne pourrions nous pas songer à réparer les vivants ?
Sous la plume virtuose de Maylis de Kerangal se joue le récit d’une greffe de cœur. Elle fait pénétrer le lecteur dans un monde souvent méconnu qui cristallise bien des angoisses. Sa plume a tout d’un scalpel qui de sa lame tranchante glisse lentement sur la chair et la laisse à vif. Avec minutie, non sans quelques éclats poétiques, c’est tout un langage qui se dévoile, se déploie et vient nous nouer la gorge. Dans un style percutant, remarquable, les phrases noircissent les pages blanches des heures les plus sombres de la vie du héros. Par le biais de digressions, nous nous éloignons de temps à autre du fil rouge qui maintient Simon en vie, le temps de quelques heures, pour découvrir ces vies qui l’entourent. De récit en récit, nous retraçons l’histoire des parents de Simon, nous découvrons la belle Juliette, rions des frasques de Rose comédienne bipolaire, tombons sous le charme de la jeune infirmière paumée en mal d’hommes. Une jolie palette de personnages.
« Tout ce qui cinglait en elle de vif et d’ardent, cette légèreté à pleine vitesse, joueuse et féroce, ce pas de reine dans les couloirs de la réa, tout cela prend l’eau à toute allure et pendouille dans son cerveau, lourd, détrempé: à force d’avoir vingt-trois ans elle en avait vingt-huit, à force d’en avoir vingt-huit, elle en a trente et un, le temps cavale tandis qu’elle jette sur son existence un regard froid, un regard qui dézingue l’un après l’autre les différents secteurs de sa vie. » (ces p190 et 191 sont grandioses.)
Un récit bouleversant qui se fait décompte. Le texte de Maylis de Kerangal est incontestablement brillant et dit le temps qui passe au rythme des cœurs qui battent mal ou ne battent plus. Réparer les vivants vient ainsi abolir l’espace-temps et fragiliser les frontières entre la vie et la mort en nous donnant à voir ces existences de funambules que la vie pousse parfois au-delà du fil.
C’est une des publications littéraires les plus remarquées cette année. Primée, encensée par la critique. Un texte qu’il m’a été difficile de quitter et que j’ai dévoré en quelques heures, un poids sur la poitrine, me laissant toucher par chaque phrase écrite avec une précision chirurgicale. Une lecture puissante, exigeante, un des temps forts de mon été.
« Le cœur de Simon migrait dans un autre endroit du pays, ses reins, son foie et ses poumons gagnaient d’autres provinces, ils filaient vers d’autres corps. Que subsisterait-il, dans cet éclatement, de l’unité de son fils ? Comment raccorder sa mémoire singulière à ce corps diffracté ? Qu’en serait-il de sa présence, de son reflet sur Terre, de son fantôme ?«
Et parce qu’inévitablement, la question du don d’organe est posée… Un petit clic ici pour prolonger la réflexion engendrée par le roman. En ce qui me concerne, la réponse est très claire et ce depuis longtemps…
Les avis de A propos de livres, Cathulu, Clara, Fransoaz, Gambadou, Juliette, Kathel, Laurie, Leiloona, Liliba, Mango, Mirontaine, Sylire, Valérie.
Réparer les vivants de Maylis de Kérangal Éditions Verticales Éditions Gallimard, dans la collectionFolio 7,99 €, 304 pages, nouvelle édition en 2020 |
Ce roman est un de mes coups de cœur de l’année, et va le rester longtemps.
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Je plussoie! Je ne pensais pas aimer autant !
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une de mes plus belles et très fortes lectures de cette année !
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Je crois qu’elle rejoint sans conteste le haut de ma liste « coups de coeur ».
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Ton billet est splendide, bravo ! Et il faut vraiment que j’accomplisse ce geste de signaler que je voudrais aussi, si la vie me quittait, pouvoir réparer des vivants.
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Oh, merci charmante Stephie.
En ce qui me concerne, ado, je suis tombée sur une campagne de sensibilisation dans un magazine. Cela m’a vraiment marquée et il y avait à l’intérieur un formulaire à remplir avec « une carte de donneur » à garder sur soi. Si les modalités ont changé aujourd’hui, je garde le souvenir d’une décision curieusement « presque évidente » pour moi, prise très tôt…
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Pas encore lu.
Le sujet m’interpelle. Le don d’organe est important et a permis de sauver un de mes cousins grâce à une greffe du cœur.
Dans ma famille, nous sommes donc tous partants pour le don d’organe.
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Si tu ne t’arrêtes pas à son style qui en a rebuté plus d’un, j’espère que tu te laisseras porter par cette histoire d’une beauté incroyable. D’autant plus si cela te touche de si près…
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Malgré le nombre impressionnant de billets élogieux, je ne suis pas tentée par cette lecture… Le sujet, grave, me repousse.
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Je peux comprendre qu’un tel sujet effraie. Je crois que j’ai besoin de me confronter, via la lecture, à ces instants de vie particulièrement difficiles. J’aime les lectures qui remuent.
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Très joli billet ! Un sujet délicat mais qui m’interroge aussi …
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Merci Cristie. Un texte qui soulève beaucoup de questions… Inévitablement.
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Oui, voilà, la forme et le fond ne font qu’un, les deux s’imbriquent et tendent au sublime, si tant est qu’on puisse utiliser ce mot pour ce sujet … Une romancière bluffante, oui.
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Totalement. J’ai follement envie de découvrir ses autres titres…
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« Tangente vers l’Est » est né d’un projet bien sympa : une vingtaine d’auteurs tous dans le Transsibérien pour écrire … Un huis clos qui m’a emportée loin.
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Ah!Tu as prononcé le mot « Transsibérien »! Je ne peux pas résister.
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😆
Toi et moi on se comprend ! 😉
(Je me souviens l’avoir acheté rien que pour ce mot aussi.) 😉
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Papa d’un petit Simon de presque six mois, ce livre m’arrache les tripes. J’en chiale toutes les dix pages.
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Cela me touche qu’il te fasse cet effet-là. Qu’il te bouleverse autant. C’est un texte si puissant. Je n’ai pas pleuré, curieusement. Mais le nœud dans ma gorge et le poids sur ma poitrine ne m’ont pas encore totalement quittée. Embrasse ton beau Simon pour moi, monsieur le jeune papa épanoui.
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Je reviens de chez Noukette, pas çonvaincue. Moi j’ai été scotchée !
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Je partage totalement ton avis! Une lecture d’une puissance rare.
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J’aurais voulu ressentir toutes ces émotions dont tu parles si bien, moi qui suis convaincue depuis longtemps par la nécessité de « réparer les vivants », un jour… L’écriture ne m’a pas prise à la gorge, non, elle m’a laissée à la marge et je le regrette…
Quoiqu’il en soit, c’est un roman fort, différent. Et je relirai cette auteure.
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C’est un peu quitte ou double avec une telle plume… Nous n’avons pas pris la même route…
Je pense aussi poursuivre ma découverte tant j’ai aimé ce livre… J’ai deux titres qui me font de l’œil. Je vais voir ça…
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Ah cette lecture! J’en retrouve bien les souvenirs et émotions ressentis en te lisant. C’était en février dernier et j’avais pour une fois posté dessus… ici 😉
http://mangetasoupeetvaaulit.blogspot.fr/2014/02/bouillonnant-de-vie.html
Bises
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J’ajoute donc ton lien!
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Euh ce n’était pas le but et en même temps je ne sais pas… C’est bête j’ai quand même encore du mal à être simple avec tout ça. Cela dit merci pour le lien même si en ce moment mon blog est loin d’être une « référence » en terme de lectures ne mettant plus rien…
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Magnifique billet!
Je dois t’avouer que même si le sujet m’interpelle et me questionne depuis longtemps (c’est d’ailleurs un débat dans ma famille et il faudrait que je me renseigne sur la carte de donneur), je ne l’avais pas mis en tête de mes priorités de lecture.
Mais voilà, c’était avant de lire ta critique qui m’a fait revoir cet ordre 🙂
Je l’emprunterai à mon retour de vacances à la médiathèque et j’espère ne pas être décontenancée par l’écriture.
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J’ai mis un lien en bas de l’article. Tu auras toutes les informations nécessaires si besoin.
J’espère que tu aimeras ce texte comme je l’ai aimé!
Bonne lecture Claire!
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Après avoir longuement hésité, j’aimerais le lire aussi (quand, ça on verra…) J’espère faire partie des enthousiastes 😉
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Je te le souhaite vraiment…
Une chance sur deux… 😉
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Pour moi le style n’est pas virtuose, il est chirurgical (ce qui est parfaitement logique vu le thème) et c’est ce qui m’a ôté tout plaisir de lecture. Pour autant je reconnais que le sujet de ce roman est fascinant.
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Je crois de toute manière que ce livre divisera son lectorat avec cette histoire de plume si singulière. Je n’ai pas ressenti que de la froideur ou de la distance. Bien au contraire. A mes yeux elle a dépassé cela…
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Un très beau billet pour un roman qui le mérite bien. Ça me console que l’une de vous quatre soit tombée sous le charme.
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Merci Val. C’est évidemment un texte que je ne n’oublierai pas de sitôt.
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Un beau partage pour un roman exceptionnel que j’avais passionnément aimé aussi et dont je parlais chez moi… Une lecture engagée, non ?
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Je vais voir ça alors… Une lecture engagée, engageante. Un livre à avoir lu en tout cas…
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sujet trop difficile pour moi en ce moment mais je lirai un jour…
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Quand tu seras prête, j’espère que tu apprécieras autant que moi…
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Il fait aussi partie de mes ccoups de coeur de l’année!
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Cela ne me surprend pas !
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Pour moi aussi, c’est le roman de l’année. Et pourtant j’y allais à reculons à cause du sujet… Et depuis j’ai rempli ma carte de donneur…
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J’ai ma carte également…
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Ton billet est très tentant mais certaines réflexions sur le style de l’auteure me font un peu peur (pour la carte de donneur, elle est remplie depuis bien longtemps)
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Je pense qu’il faut se faire un peu violence et essayer de dépasser cela. Les premières pages m’ont étonnée puis j’ai fini par être totalement emportée par cette plume… A toi de voir du coup…
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Quel beau billet, tu me donnes envie de le relire !!!
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Lu en quelques heures ? Tu as vraiment aimé, alors.
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Un véritable coup de coeur !
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J’ai envie de lire ce roman depuis sa sortie mais je n’en ai pas encore eu l’occasion!
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J’ai lu « Corniche Kennedy » du même auteur et j’ai aimé sans avoir un coup de coeur. Avec tout ton enthousiasme, tu as réussi à me tenter.
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Je ne regrette pas d’être venue par ici, ton billet est superbe. Un livre magnifique, vraiment !
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Merci Marion. Il faut dire que ce livre m’a touchée comme rarement je le suis en littérature.
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