Et mon coeur fait boum·Que jeunesse se fasse...

Le Ramadan de la parole Jeanne Benameur

Trois voix, trois femmes  à écouter…

Une lecture de plus dans la superbe collection D’une seule voix des éditions Actes sud junior. Une lecture de plus et pas des moindres puisqu’elle est signée Jeanne Benameur, directrice de cette collection qui regorge de pépites et qui peut sans conteste faire taire en quelques pages tous les détracteurs de la littérature jeunesse.

Elles sont trois. Trois jeunes filles, trois futures femmes. Trois époques, trois vies différentes, trois cris à faire entendre d’une seule voix.

« Ma mère écoutez-moi. Je suis dans ma chambre, Reléguée par vous. J’accepte tout. La solitude ne me fait pas peur. Bien au contraire, elle m’évite d’avoir à vous parler.  Mais vous n’avez pas le droit, ma mère, de vous attaquer à mes livres ! « 

La première vit en 1920 et s’adresse à sa mère. Elle est enfermée dans sa chambre puisqu’elle a catégoriquement refusé de se laisser enfermer dans ce corset qui l’étouffe autant que cette vie qu’on cherche à lui imposer. Sous le joug de cette mère intransigeante et sectaire, elle ne dispose que d’une nuit pour se soumettre à son tyran et devenir celle que l’on voudrait qu’elle soit. Les menaces verbales ne suffisent plus. La marâtre, sévère, joue sa dernière carte et se montre impitoyable. Si sa fille ne lui obéit pas, ce seront ses livres qui seront sacrifiés au non de la morale chrétienne et de la bien-pensance.

« Aucun mot ne sortira plus de ma bouche. De mon lever à mon coucher; Et tant pis pour le soleil. Je ne parlerai plus qu’à la nuit. »

La deuxième jeune fille commence un ramadan singulier. Chaque jour, elle fait vœu de silence. Un silence qui hurle pourtant au plus profond d’elle-même. Un silence qui devient la seule réplique possible face « aux mots de boue » reçus en plein visage. Derrière ce choix, une femme qui s’affirme et qui pose la question du voile et de ce corps qu’elle ne veut pas dissimuler derrière un morceau de tissu. Une déclaration d’amour à la liberté des femmes, à la beauté des mots.

Enfin, la dernière à prendre la parole est assise dans le métro, les yeux rivés sur un homme qui regarde avec envie une femme dénudée sur une affiche publicitaire. Elle l’observe, et comme lui, regarde ce corps exhibé au nom du marketing. Cet homme la dérange, un malaise s’installe. Ce dernier cri est celui d’une fille qui vomit cette mère, sa mère, offerte à tous, des passants indifférents aux yeux qui scrutent et se gorgent de désir.

 » Je cache mon corps de plus en plus. Des vases communicants. Plus tu te dévoiles, plus je me masque. J’ai honte. Si honte. C’est comme si c’était moi qu’on exhibait. Je hais les affiches pour longtemps« .

Avides de vivre en femmes libres, instruites et indépendantes, nos héroïnes sont celles d’un quotidien qui chaque jour veut les contraindre plus encore. Ici, la révolte et la colère féminine passent par les mots, la réflexion et l’argumentation. Un discours très fort naît sur les pages et se murmure au creux des êtres, derrière une porte sans interlocuteur. Le propos, sublime, poignant, monte en puissance et vous met une gifle cinglante comme Jeanne Benameur sait les infliger aux lecteurs.

Ces trois voix sont celles de femmes qui refusent, qui crachent un non sans appel au visage de ceux qui les oppressent et les enferment dans un rôle qu’elles se refusent de jouer. Pour l’une c’est un corset, pour l’autre c’est un voile, une affiche publicitaire qui jouent avec les corps et les représentations de la femme. Trois corps qui hurlent pour réaffirmer l’importance des mots, des images, des valeurs. Trois têtes qui pensent et qui délivrent un message qui a toujours besoin d’être répété, diffusé.

Un petit ouvrage qui gagnerait à être adapté au théâtre. Trois monologues à clamer à tout-va sous une plume que je peux lire, inlassablement, tant je suis transportée par les mots de Jeanne Benameur.

Mes chroniques dans cette collection « coup de poing »  :

Ma Tempête de neige Thomas Scotto.

Rien que ta peau Cathy Ytak.

Un texte de plus pour le

Challenge Benameur de Noukette.

Le Ramadan de la parole – Jeanne Benameur

Actes sud junior D’une seule voix

ISBN: 978 233032494

9€ / 53 p

26 réflexions au sujet de « Le Ramadan de la parole Jeanne Benameur »

  1. Je crois que je ne l’ai jamais lue Benameur…mais si c’est de la jeunesse, c’est à partir de quel âge? Parce que doit être destiné à des jeunes filles non, des presque adultes ?

    J’aime

Laisser un commentaire