« Avec les allemands, nous nous sommes tellement battus que nos sangs ne font plus qu’un » Ferdinand Gilson
Un flot de sang qui s’écoule dans le vacarme de la guerre et le silence des bulles. Le ton est donné. Les sombres tranchées de Norédine Allam laissent entrevoir la noirceur d’un quotidien bien morne. Le seul éclat de lumière qu’il s’autorise est d’un rouge bien vif, sans appel. Comme la vermine, ce mince filet coloré s’immisce dans chaque case. Il s’étend, s’écoule et noie le paysage d’une nappe magmatique, hypnotique. C’est le sang des hommes qui bout.
» Cette tranchée toute neuve était ourlée de terre fraîche, comme une fosse commune. C’était peut-être pour gagner du temps qu’on nous y avait mis vivants » Dorgelès
Scènes de vie, scènes de guerre. L’un est ce soldat un peu naïf que tout le monde aime et surnomme Bleuet, l’autre est cet homme en costume confortablement installé dans son canapé. L’homme serein, bien au chaud, s’offre le luxe de faire des plans sur sa richesse assurée par les obus qui mettent les corps en charpie là où il ne mettra jamais les pieds. Un autre encore, qui lève le poing, qui refuse et dit non. Des portraits d’hommes: des héros anonymes aux Grands Hommes qui ne sont pas toujours ceux auxquels on pense.
« N’oublie jamais que l’imaginaire est le meilleur moyen de survivre aux hantises de la vie » Alex-Imé – Les Jours pluvieux.
Une enfant qui lit les lettres de son père dans lesquelles les soldats sont devenus dragons… Une gamine, les cheveux en bataille qui tombe nez à nez avec un soldat blessé dans une grange. Chaleureuse et généreuse, elle s’empresse de lui préparer de sommaires victuailles. Un peu d’humanité servie par l’Innocence… Quelques planches plus tard, quatre minots qui aujourd’hui nous sont agréablement familiers sous le trait tant apprécié du talentueux Hardoc. Quatre gosses qui maîtrisent bien mieux l’art fictif de la guerre que la langue de Molière. On rit, s’attendrit même. Mais la bouffée d’oxygène est d’une insupportable brièveté. Personne n’est épargné. La mort rôde en grande dame perfide. Le soleil printanier ou la légèreté des flocons parvient même à être entaché par cette maudite guerre.
Majoritairement originaires de Picardie, les artistes nous offrent une vision plurielle des conflits qui ont marqué le sol de notre région si souvent décriée. La force de ce collectif tient dans la grande qualité de chaque histoire proposée et dans l’extrême diversité graphique et stylistique. Chaque plume, chaque pinceau s’approprie un univers qui pour certains résonne avec l’histoire familiale ou se veut le fruit d’une interprétation singulière. Certains font le choix de laisser parler les images, le bruit et l’horreur pouvant aisément se passer de mots. C’est le cas de Fragments de Bruckner qui vous prend à la gorge tant les dessins sont percutants et d’une violence visuelle étrangement fascinante. Certains préfèrent faire exploser les onomatopées pour rappeler que le silence se fait rare sur le front : obus, tirs ennemis, cris d’amis, tout se mêle dans un douloureux vertige. Enfin, le temps de quelques planches, c’est la musique qui prend le relais avec un choix très original de la part de David François dans sa Chanson pour Vernon. Un merveilleux hommage aux gueules cassées, entre humour et tristesse sous ce trait qui marie à merveille les flous vaporeux et l’extrême précision des petits détails… Une mention spéciale enfin pour le duo Hautière et Drouin qui dans L’Exemple, signent là encore une très belle histoire qui vous colle de saisissants frissons.
Un ouvrage indispensable et pas seulement parce que l’actualité le suggère.
Une nouvelle lecture pour le challenge 14-18 de Stephie.
Un entretien vidéo avec certains auteurs/illustrateurs ayant participé au projet.
Le site des Éditions de la Gouttière.
La jolie concentration de talents…
David François, Régis Hautière, Hardoc, Damien Cuvillier, Stéphane Cuvillier, Alex-Imé, Greg Blondin, Denis Lachaussée, Aude Soleilhac, J.F. Bruckner, Agnès Fouquart, Francis Laboutique, Pascal Regnauld, Serge Dutfoy, Philippe Lacoche, Olivier Frasier, Sofia, Sylvain Savoia, Paul Drouin, Norédine Allam, Paul Gillon et Daniel Goossens
Et bien voilà qui est intéressant !
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Un sujet bien trop douloureux pour moi…
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Tu as les images si intenses qu’il me semble avoir le son en même temps.
Je viens de lire les Lulus, « Lieux communs », alors pour l’instant, je ne veux plus noter cette époque.
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Acheté pour mes collégiens depuis longtemps, pas encore eu le temps de mettre le nez dedans mais ça sera fait…
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ça a l’air vraiment très intéressant !
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Tu me donnes envie de le relire !
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Tu l’avais chroniquée ? En tout cas je crois que c’est une BD qui se lit et relit sans aucun problème…
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Indispensable ? Alors il est noté.
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Je le note tout de suite pour l’offrir à un passionné.
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