Que jeunesse se fasse...

Rien que ta peau Cathy Ytak

« On ne sait jamais la première fois, que c’est la première fois. »

Elle aime. Mais pas seulement. Elle l’aime lui et c’est son corps contre le sien qui fait loi ce soir-là. Elle oublie auprès de lui qu’elle est cette enfant un peu lente, pas vraiment comme les autres. La nuit obscure gomme tout le reste… Ludivine et Mathis. Mathis et Ludivine... Elle est Louvine dans ses bras, et rien d’autre à cet instant ne compte.

 » Rien que ta peau, rien que la mienne »

Au loin, les cris, des hurlements sourds. Elle sait. Elle attend. Ces bruits qui viennent briser le silence n’iront pas jusqu’à leur dérober la beauté de leur première fois. Et pourtant, les parents de Ludivine sont dans une rage folle. Ils arpentent les berges du lac glacé comme des chasseurs le feraient pour traquer un gibier condamné d’avance… Le bête à abattre, c’est Mathis, sa peau, celle que Louvine respire à pleins poumons, celle que Louvine caresse et prend en plein cœur.

« Mon corps aussi devient gris, pareil que la pierre, et le sang dans mes veines ne charrie plus que du sable« .

Les lendemains sont douloureux et une valse triste vient rythmer le quotidien de la jeune fille. Les discours moralisateurs se succèdent, le silence du père en dit déjà trop, les supputations faciles lui donnent la nausée. Les adultes s’évertuent à trouver un coupable là où aucun crime odieux n’a été commis. Alors Louvine se tait parce qu’aucune place n’est accordée à ses mots. Elle attend. Mathis n’est pas bien loin. Elle n’attend plus que lui.

 » Mais ce qui nous rapprochait toi et moi, c’était ce quelque chose d’un peu caché au fond de nous, peut-être un peu cassé. »

C’est dans un tout autre registre que je retrouve la jolie plume de Cathy Ytak après le choc émotionnel provoqué par la lecture de 50 minutes avec toi . La violence des mots cède la place à une écriture plus douce, alliant sans conteste subtilité et délicatesse. Une nouvelle fois, l’unique voix de son héroïne vient donner une dimension toute particulière au récit. Louvine raconte Mathis, le murmure ou le hurle. Elle retrace une histoire d’amour que les adultes ont voulu noircir de scandale. Le lecteur épouse les pensées de cette jeune fille et en saisit chaque frisson, chaque tourment. Enfin, si cette histoire est le récit d’une première fois, elle ne la réduit pas à la découverte d’un corps qu’on parcourt, timidement, à tâtons. Elle est aussi l’exploration de ce qu’est l’autre dans ses différences, ses failles, ses interrogations ; l’amour venant sceller cette rencontre qui chamboule leur vie… Cathy Ytak sait définitivement mettre des mots sur l’adolescence. Elle pose un regard tendre, souvent d’une justesse rare sur ces émotions qui les bouleversent et sur ces événements qui les construisent, les guident vers l’âge adulte. C’est à mon sens, une des nobles missions de la littérature jeunesse et quand cela se fait avec de tels mots, il est inconcevable de ne pas mettre ce type de textes entre les mains de nos jeunes lecteurs.

Le blog de Cathy.

Rien que ta peau Cathy Ytak.

Collection D’une seule voix

Acte sud junior.-

9€ / 72 pages

ISBN 978-2-330-02764-3

 

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