Neuvième art

Violette Nozière, Vilaine chérie Benyamina & Simon

 » Elle est sournoise cette petite… »

« Mauvaise fille ! Tu mens à tes parents. Tu leur inventes des amies comme cette Janine Déron pour pouvoir mener ta vie de débauche. C’est à cause d’eux si je fais ça ! Ils croient toutes les salades que je leur raconte. Tout est minable avec ces imbéciles ! Tu comptes faire quoi ? Me libérer et vivre l’existence que je mérite ! »

Teint pâle, rouge à lèvres carmin, joues rondes et regard mutin, c’est le côté pile, la Violette légère et frivole qui rayonne devant la Sorbonne, annonçant sans pudeur à son amie qu’un terrible mal la ronge. Violette est resplendissante, incroyablement sensuelle dans sa robe blanche qu’elle fait virevolter et ôte sans vergogne dès que l’occasion se présente: les hommes la convoitent, s’éprennent d’elle et se prennent au jeu espérant soupirer langoureusement dans ses bras frêles.

Enveloppée de fourrure, les mains gantées d’un cuir mat et doux, un flacon luisant à la main, voilà le sombre côté face, la Vilaine chérie, celle dont on aime la peau, l’argent, l’extrême facilité à céder sous le poids lourd des corps libidineux et gras. Celle dont il faudrait pourtant se méfier, à mi-chemin entre Médée et Circé, ces sorcières antiques que le crime ou la ruse n’effraie pas.

Violette étouffe entre les murs sombres et anxiogènes de la maison de famille. Ses parents, d’une sévérité implacable entretiennent chez elle, sans en prendre réellement conscience, cet amour absolu de liberté. Alors Violette fuit, s’échappe, enrobe ses errances de mensonges et dissimule ses frasques les plus immorales. Elle jongle habilement entre l’image de la femme fatale et celle de l’enfant mielleuse en col Claudine, trop douce pour être sincère… Un jour, elle croise Jean dont elle tombe éperdument et aveuglément amoureuse. Elle n’aspire qu’à quitter le cocon familial et ne reculera devant rien pour une ultime échappée.

Violette Nozière par Camille Benyamina

C’est ce regard-là qui m’a saisie, happée. Bien que le procès de Violette Nozière ait marqué le monde journalistique en faisant couler beaucoup d’encre, c’est ici l’intimité d’une femme fascinante qui nous est contée. On délaisse le voyeurisme des foules qui réclament le sang sur la place publique pour y lire l’entrée d’une adolescente dans un monde adulte régi par la perversion, l’argent et le jeu des illusions et faux-semblants. A ce jeu-là, la Vilaine excelle, à ce jeu-là, Violette se brûle les ailes.

Vilaine, Violette, Nozière, chérie, Matricule 1936, Mademoiselle, l’Euzé, la monstrueuse enfant, la catin,  l’ange noir, le monstre en jupon… Bien des mots pour désigner cette femme objet de fantasme ou de répulsion, une femme auréolée de mystère qui défraiera la chronique et marquera les années 30.

L’univers graphique de Camille Benyamina force sans conteste l’admiration. Quel trait, quelles couleurs… L’alliance sublime des contraires, la fusion de l’ombre et de la lumière, des illustrations qui disent les corps comme j’aime les voir, dans leur finesse, dans leur volupté. La chair n’a rien de triste, les visages les plus doux cachent de sombres secrets, des rumeurs indicibles, des mensonges éhontés qu’un prénom révèle  au monde si l’on veut bien lever le voile sur les secrets dissimulés.

Violette et Maddy

« Il y aura des inconnus

Tous les inconnus

Les hommes pour lesquels on est toujours neuve

Et la première

Les hommes pour lesquels on échappe à soi-même

Les hommes pour lesquels on n’est la fille de personne« 

Paul Eluard , « Violette Nozière »

Le blog de Camille Benyamina

Les avis de Sandrine, Une autre histoire , Choco, Itzamna.

Sur France Inter, il est question de cet album Violette Nozière.

Un podcast sur Violette Nozière avec une interview d’Eddy Simon.

 

Violette Nozière, vilaine chérie Benyamina et Simon

96 pages / 20 €

ISBN : 2203038543

Casterman

TOP BD Yaneck  18/20
TOP BD Yaneck 18/20
Le rendez-vous de Mango
Le rendez-vous de Mango

36 réflexions au sujet de « Violette Nozière, Vilaine chérie Benyamina & Simon »

Laisser un commentaire